06 février 2014. Braconnage des éléphants : les moyens de lutte doivent être à la hauteur des affichages

Réaction de Ronan Dantec à la suite de la destruction publique des stocks d’ivoire illicite saisis sur le territoire français, ce matin au Champ de Mars et à laquelle il a assisté.

Ronan Dantec s’est fortement engagé sur la question du trafic de faune sauvage, notamment en faisant adopter un amendement à la loi du 16 juillet 2013, sur la reconnaissance du trafic d’espèces protégées en bande organisée, et en interrogeant Manuel Valls sur son application, lors de la séance de question d’actualité au gouvernement du 28 novembre au Sénat. Vous trouverez également (en plus du communiqué de presse) le texte de cette question, ainsi que la réponse du ministre.

20140206 - destruction ivoire 1Président du groupe d’amitié France-Tanzanie au Sénat, Ronan Dantec suit très attentivement la question du braconnage des éléphants en Tanzanie. Le pays a dû suspendre sa campagne anti-braconnage et on observe malheureusement une recrudescence du braconnage des éléphants ces dernières semaines.

CP : Braconnage des éléphants : les moyens de lutte doivent être à la hauteur des affichages

Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, salue l’initiative prise ce matin par le gouvernement de procéder à une destruction publique des stocks d’ivoire d’éléphants de contrebande saisis sur le territoire français. Cette action symbolique, en présence du ministre Philippe Martin et de Nicolas Hulot, était importante pour afficher la volonté européenne de se mobiliser contre ce commerce dévastateur, et elle répondait judicieusement à la destruction par le gouvernement chinois d’autres stocks illégaux d’ivoire le mois dernier. La présence d’officiels chinois ce matin était d’ailleurs un message fort adressé aux braconniers.

Ronan Dantec avait fait voter, dans la loi du 16 juillet 2013, un amendement sur la reconnaissance du trafic d’espèces protégées en bande organisée (au sens de l’article 132-71 du code pénal), permettant d’aligner sa qualification sur les trafics d’armes et de drogue. C’est l’adoption de cet amendement, soutenu par la ministre de l’Ecologie de l’époque, Delphine Batho, qui a permis à la France de durcir son action, avec des sanctions pénales pouvant désormais atteindre 7 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amendes. Ronan Dantec prend note de la volonté réaffirmée par Philippe Martin ce matin de renforcer encore les amendes.

Mais ces sanctions ne seront dissuasives que si des moyens d’investigation spécialisés importants sont consacrés à cette lutte. Ainsi, lors de la séance des questions d’actualité au gouvernement du 28 novembre 2013, Ronan Dantec s’était déjà inquiété auprès du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, des moyens dévolus, notamment à l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique). Si des avancées ont été permises par la loi du 6 décembre 2013, sur l’utilisation des techniques spéciales d’enquête dites « lourdes », il reste encore des faiblesses dans notre dispositif d’action, par exemple l’identification des trafiquants par les achats sur internet. Etonnamment, ce n’est pas aujourd’hui possible pour les trafics CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Ronan Dantec demande donc aux ministres concernés de remédier aussi rapidement que possible à cette lacune de notre dispositif.

Il s’inquiète également de la faiblesse des moyens de la Douane française pour lutter contre ce trafic aux conséquences lourdes (meurtres de gardes dans les réserves, corruption, pertes de biodiversité, etc.). Le trafic s’élèverait pourtant à une vingtaine de milliards d’euros par an, et l’Union européenne en est le premier marché. En termes de moyens mobilisés, rien n’indique qu’il s’agit aujourd’hui d’une priorité, le faible nombre d’agents dédiés n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

Lors du Sommet de l’Elysée, le Président de la République a tenu à ce que la question du braconnage des éléphants et de la faune sauvage fasse l’objet d’une table-ronde spécifique, en présence de chefs d’Etat africains. C’était une excellente initiative. Mais il est essentiel que la France soit cohérente entre ses affichages et ses actions réelles.

Ronan Dantec appelle donc le gouvernement à mobiliser des moyens de police et de justice suffisants pour permettre de lutter efficacement contre cette criminalité mondiale majeure, pour que les éléphants, dont les populations s’effondrent, ne soient pas demain relégués au rang de souvenir collectif.

Séance de Questions d’actualité au gouvernement du jeudi 28 novembre 2013
Question de Ronan Dantec à Manuel Valls

M. le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Monsieur le Ministre, le Sommet de l’Elysée pour la Paix et la Sécurité en Afrique se tiendra la semaine prochaine. Je salue l’initiative de la Présidence d’organiser dans ce cadre un segment consacré à l’éléphant et à la biodiversité africaine, le braconnage et le trafic d’ivoire ayant des liens clairement identifiés avec les enjeux de paix et de sécurité dans la région. Selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) et Interpol, la criminalité contre la faune représente 15 à 20 milliards de dollars chaque année, ce qui, je le souligne, en fait le quatrième plus important trafic illégal derrière ceux de la drogue, des êtres humains et des armes.
Ce type de trafics existe bien sûr aussi en Europe, et en France. Selon le rapport de l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique), en 2012, 1 084 infractions pour des atteintes aux espèces protégées et/ou réglementées ont été constatées, ce qui représente une augmentation de 48,5 % par rapport à l’année 2011.
Au vu de la gravité et de l’urgence de la situation, la France se donne-t-elle les moyens d’agir ?
Le Sénat a adopté en mai dernier, à mon initiative, un amendement dans la loi du 16 juillet 2013, visant à faire reconnaître les infractions commises en bande organisée (au sens de l’article 132-71 du code pénal), permettant d’aligner la qualification du trafic d’espèces protégées sur les trafics d’armes et de drogue.
Nous avons donc ouvert une porte vers un durcissement de notre action répressive envers les trafiquants. Mais les avancées doivent être confirmées et nous observons aujourd’hui quatre difficultés majeures. D’abord, la cohérence du dispositif législatif, cette nouvelle qualification ne permettant pas encore, par exemple, l’accès aux techniques spéciales d’enquête applicables à la lutte contre d’autres types de criminalité organisée. Ensuite, la question des moyens : nous savons que l’OCLAESP s’est vu affecter 15 nouveaux agents, mais sur l’ensemble des champs couverts par l’Office –santé publique, environnement, déchets, dopage, agroalimentaire, etc.- et le nombre de fonctionnaires dévolus à la biodiversité reste très faible. Inquiétude également sur la capacité des différents services –les vôtres M. le Ministre, mais également ceux du ministère de l’Ecologie, ou des Douanes, etc. – à se coordonner, avec une inquiétude spécifique sur les moyens de contrôle dont disposent les administrations décentralisées, dans un contexte global de fragilisation des moyens de la police environnementale en France, que nous regrettons fortement. Enfin, la question importante de la coordination avec Interpol, institution basée à Lyon, et qui se mobilise aujourd’hui sur ces enjeux et aussi sur la table.
Ma question est donc la suivante, M. le Ministre : face à cette situation, quels moyens vous donnez-vous pour faire respecter la loi, en vous appuyant sur cette qualification du trafic d’espèces protégées en bande organisée ?

Réponse du ministre de l’Intérieur :

M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur :
Lutter contre les trafics que vous avez évoqués, c’est d’abord lutter contre les réseaux. C’est cette réalité que le nouvel article L. 415-6 du code de l’environnement, adopté sur votre initiative, nous permet de combattre.
Il est primordial de pouvoir réprimer de manière très dissuasive le trafic des espèces protégées, notamment lorsqu’il est commis en bande organisée. La sanction pénale peut désormais atteindre sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende et s’accompagner de la saisie des avoirs criminels. Mais il est exact que des marges de progrès existent encore, en particulier s’agissant des moyens d’enquête. Le Gouvernement en est pleinement conscient.
Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui est en cours d’examen, prévoit des techniques spéciales d’enquête au profit des douaniers, des policiers et des gendarmes, afin de lutter aussi contre les trafics d’espèces menacées. Désormais, les forces de l’ordre et la douane pourront utiliser les mêmes méthodes de surveillance, d’infiltration, de sonorisation et de captation des données informatiques que pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées.
Je ne doute pas que vous-même et votre groupe soutiendrez le recours à ce type de techniques, utiles pour lutter contre la délinquance et respectueuses des libertés fondamentales.
Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique du ministère de l’intérieur et les douaniers disposeront donc d’un arsenal juridique performant pour lutter contre la délinquance que l’on peut qualifier d’« environnementale ». Cela est d’autant plus important que l’OCLAESP bénéficie du soutien d’un réseau de 350 enquêteurs spécialisés de la gendarmerie, répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Ils entretiennent des contacts riches et fréquents avec l’ensemble des administrations centrales et déconcentrées compétentes sur ces sujets. Nous avons d’ailleurs fait le choix de renforcer cet organisme en créant quinze postes supplémentaires.
Vous l’avez rappelé, ces trafics sont essentiellement transnationaux. Le travail de l’OCLAESP s’appuie donc sur le réseau diplomatique de nos quatre-vingts attachés de sécurité intérieure, et les liens noués avec Interpol sont importants.
Enfin, vous l’avez indiqué, une table ronde sur la lutte contre le braconnage d’éléphants et autres espèces protégées et contre le trafic d’ivoire se tiendra en marge du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, le 5 décembre prochain.
Comme vous le voyez, nous avons conscience du problème, et nous voulons avancer.

Ici le lien vers l’archive de l’émission de RFI

 

 

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