Au-delà de mots choisis et pesés, de phrases à double entrée où chacun peut se retrouver, le rapport de la commission du dialogue apparaît clairement dans ses conclusions comme une première étape de remise à plat du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
N’ayant pas mandat de remise en cause du projet, la commission Chéreau ne pouvait guère conclure sans rappeler la « pertinence » du projet, et nul ne s’attendait à ce qu’elle conclue à son abandon.
Mais les questions qu’elle soulève, et sur lesquelles elle estime que des réponses complémentaires doivent être apportées, sont si nombreuses, qu’elles ne peuvent qu’amener à un report du projet tant que de nouvelles études n’auront pas été menées.
Sans être exhaustifs, citons :
– « l’approfondissement de l’évaluation des coûts de réaménagement de Nantes Atlantique avec maintien de la piste actuelle ou création d’une piste transversale» ;
– « préciser les surfaces réellement libérées par le transfert et leur vocation », la commission du dialogue notant que ces surfaces libérées sont récemment passées de 252 à 80 hectares ;
– Problème de la desserte de l’aéroport par transport collectif, aujourd’hui abandonnée (tram-train) ou à échéance très lointaine : « l’impact de ce report sur les échéances lointaines, sur les perspectives de croissance de l’aéroport, mériterait d’être évalué » ;
– « Interrogations sur le dispositif » du PEAN (périmètre de protection des espaces agricoles et naturels péri-urbains) censé protéger la ceinture verte et les terres agricoles entre Nantes et Notre-Dame-des-Landes ;
– « Recherche d’un meilleur équilibre entre le projet et les enjeux agricoles et environnementaux » ;
Surtout, le fait que la commission scientifique décide de ne pas valider telle quelle la méthode de compensation proposée, en recommandant une nouvelle démarche, qui nécessitera dans un premier temps de « caractériser rigoureusement l’état initial des sites impactés et de leur environnement proche, ainsi que des territoires envisagés pour la compensation », sonne comme un désaveu scientifique pour les porteurs du projet, qui avaient sous-estimé les enjeux environnementaux. La prise en compte des treize recommandations de la commission scientifique prendra de fait un temps long, et revient donc à un réel report du projet. Même si les opposants avaient pu douter de l’indépendance de cette commission mise en place par le Premier ministre et la ministre de l’Ecologie, force est de constater que son réquisitoire sévère souligne sa liberté de conclusion.
En proposant que certaines évaluations « pourraient être faites contradictoirement avec ceux des opposants qui seraient prêts à confronter leurs données à cette estimation », la commission du dialogue ouvre enfin timidement la voie à la réouverture d’un véritable débat contradictoire.
C’est dans ce sens que le gouvernement doit s’engager, en proposant que des études indépendantes de l’Etat répondent aux interrogations posées. La mise en place de la commission du dialogue par Jean-Marc Ayrault aura été un important premier pas, il s’agit maintenant de recréer les conditions d’un débat public contradictoire.
Comme il l’avait défendu dès l’automne, en appelant à la médiation, Ronan Dantec estime plus que jamais qu’il serait politiquement suicidaire que les forces de gauche s’affrontent dans les prochains mois sur Notre-Dame-des-Landes. Il appelle les uns et les autres à la responsabilité et à la construction de ce nouveau dialogue, dans lequel il s’engagera si celui-ci est mené dans le respect des règles déontologiques d’un débat contradictoire, fondé sur une expertise indépendante.
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