Ronan Dantec était chef de file pour le groupe RDSE sur ce texte qui a pour objet de lever les obstacles à l’accessibilité effective de ces dispositifs destinés au grand public sur l’ensemble du territoire. Tout en soutenant la proposition de loi, il a rappelé que « notre pays souffre d’un retard considérable dans la formation aux premiers secours alors que cette formation sauvera des vies mais aussi, renforcerait le sentiment de citoyenneté, la cohésion de nos sociétés, chacun se sentant ainsi un peu plus responsable de l’autre. » La proposition de loi a été définitivement adoptée par le Sénat.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues,
En Loire-Atlantique dans une petite commune, peu importe laquelle, un adolescent de 16 ans a fait un malaise cardiaque alors qu’il pratiquait sa passion sur un terrain de foot. La commune, répondant à sa mission de sécurité publique et bien que n’y étant pas obligée, s’était préalablement équipée d’un défibrillateur. Celui-ci n’a malheureusement pas fonctionné suite à un problème de batterie et ce jeune est mort.
Rien ne dit que le défibrillateur l’aurait sauvé mais ce dysfonctionnement rajoute évidemment à la détresse et la tristesse des parents. Nul ne peut douter de l’engagement et du sérieux du maire de cette commune et de son équipe, néanmoins, pour lui aussi, pour eux, c’est désormais un poids à porter et ce, même s’il n’y a pas eu de conséquences juridiques.
Cet exemple a ému et interpellé les élu-es de Loire-Atlantique bien au-delà des limites de cette commune et il y a de vraies attentes sur la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.
Aujourd’hui, de plus en plus d’expérimentations et d’enquêtes, elles ont été citées, ont démontré l’intérêt de disposer d’un défibrillateur, a fortiori dans les Établissements Accueillant du Public (les ERP) et notamment là où l’on pratique une activité sportive car c’est là que se produisent le plus fréquemment les arrêts cardiaques. Et si le décès d’un sportif de haut niveau pourra faire la une des journaux, c’est bien dans le sport de loisir que surviennent la majorité d’entre eux. Ainsi, l’utilisation d’un défibrillateur directement disponible peut réduire le temps de délivrance du premier choc de sept à trois minutes environ avec un taux de survie sans séquelles neurologiques très important. Car, il faut le souligner, au-delà de la seule question de survie, et le chiffres viennent de nous être donnés aussi, plus la défibrillation sera rapide, plus faibles seront les séquelles.
Rendre obligatoire l’installation et la maintenance de défibrillateurs automatisés externes (DAE) dans les ERP, lieux de passage important de populations, de sexe et d’âges très divers est donc un impératif. C’est le sens de cette loi et nous nous en réjouissons. A titre d’exemple, en Loire-Atlantique sont recensés aujourd’hui dans la base de données du SDIS près de 740 défibrillateurs installés … pour 22 230 ERP. A lui seul ce chiffre témoigne de l’urgence qu’il y a à équiper d’autres ERP mais également de l’effort financier à fournir par les collectivités, ce point ne peut être ignoré. Nous aurions pu demander à l’État de participer mais l’article 40 de la Constitution nous en empêche.
De la même façon, créer une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire va dans le bon sens.
Cette loi est donc nécessaire et elle répond à un enjeu majeur de santé publique et qu’elle permettra assurément de sauver des vies.
Je profite cependant de cette tribune pour attirer votre attention madame la ministre et vous m’avez précédé dans votre intervention sur l’utilité de cette interpellation.
En effet, tout nécessaire soit-elle, cette loi n’est sans doute pas suffisante.
Je l’évoquais plus haut, un des publics le plus concerné est celui des pratiquants de sport de loisir, celui des associations sportives, de ces millions d’enfants, de séniors, de vétérans, pour qui le risque est encore plus élevé, tous ces « sportifs du dimanche » qui s’entrainent en semaine et jouent les week-end, par passion mais aussi pour entretenir leur santé. La grande majorité d’entre eux est encadrée par des bénévoles, souvent des parents. Or, combien d’entre eux savent reconnaitre un incident nécessitant l’usage d’un DAE ? Combien d’entre eux savent le faire fonctionner ? Combien connaissent seulement le protocole à suivre en cas d’accident : qui prévenir, comment prévenir, que faire en attendant les secours, sachant par exemple que la réalisation d’un massage est nécessaire aussi lors de l’usage d’un défibrillateur ?
Notre pays souffre d’un retard considérable dans la formation aux premiers secours alors que cette formation sauvera des vies mais aussi, je veux noter sur ce point, renforcerait le sentiment de citoyenneté, la cohésion de nos sociétés, chacun se sentant ainsi un peu plus responsable de l’autre. Dans le rapport de la mission de préfiguration sur la généralisation au plus grand nombre de nos concitoyens, de la formation aux gestes qui sauvent en avril 2017, Patrick Pelloux et Eric Faure, rappellent que seulement 27 % des français sont initiés aux gestes aux premiers secours. Selon la fédération française de cardiologie, moins de 20 % des témoins d’accidents cardiaques connaissent ces gestes de premiers secours. Or, quatre victimes sur cinq qui survivent à un arrêt cardiaque ont bénéficié de ces gestes simples pratiqués par le premier témoin.
Nous le voyons, l’enjeu de santé publique dépasse donc le seul cadre de l’installation, la maintenance et la géolocalisation des défibrillateurs même si ce point est important. Le gouvernement prévoit dans son plan de prévention sur la santé de former 80% de la population aux gestes de premiers secours. C’est un affichage important, une ambition forte. Et vous avez donné, madame la ministre, pas mal d’éléments notamment sur les milieux scolaires. Sa mise en œuvre sur l’ensemble du territoire suscite notamment bien des interrogations. L’État s’appuiera-t-il sur les SDIS, les réseaux de santé, les enseignants, les élus locaux ? Nous souhaiterions avoir des précisions sur ce point.
Le texte reste probablement encore perfectible mais l’urgence s’impose à nous, le vote conforme ou son adoption sans modification peut permettre de créer les conditions de réponse à cette urgence. Malgré ces réserves et parce qu’il répond à un enjeu fort de santé publique le groupe RDSE votera donc ce texte.