Ci dessous la déclaration du sommet mondial climat et territoires. Déclaration la plus largement soutenue par les réseaux les plus représentatifs de différents acteurs non étatiques jamais présentée. Elle insiste sur les engagements de ces réseaux, sur le lien entre climat et développement et sur les enjeux du financement.
En cliquant sur la photo vous pourrez également accéder à l’émission « C’est pas du vent » de RFI sur le sommet de Lyon, par Anne-Cécile Bras.
L’action territoriale au cœur de la réponse au défi climatique. Lyon, Rhône-Alpes, le 2 juillet 2015
Lutter contre les dérèglements climatiques, en évitant une montée des températures supérieure à 2°Celsius, avec en perspective une limitation à 1,5° Celsius, tel qu’adopté dans les Accords de Cancún, est aujourd’hui un défi majeur pour l’ensemble de l’humanité, une obligation commune des Etats mais aussi de toutes les organisations et individus en capacité d’agir, chacun se devant d’assumer sa part de la responsabilité globale.
Réunis à Lyon, en Région Rhône-Alpes, pendant deux jours, à travers les réseaux qui les représentent, ces acteurs non-étatiques, comme « non-Parties concernées », aux côtés des Parties Contractantes à la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), ont affirmé leur volonté commune de relever ce défi, d’inscrire leur propre action, quotidienne et territoriale, dans une trajectoire de décarbonation de l’économie mondiale, en tenant compte des différentes situations nationales, régionales et locales, et de leurs capacités d’action respectives, tout en considérant que tous se doivent d’envisager l’avenir de leur société dans une perspective d’économie faiblement carbonée et résiliente.
Le Sommet mondial Climat & Territoires n’est pas un évènement isolé et s’inscrit dans une dynamique de renforcement des expressions communes des acteurs non-étatiques. Il s’appuie sur les précédentes résolutions des réseaux de collectivités territoriales, notamment les feuilles de route climat des gouvernements locaux et infranationaux (Bali 2007 et Nantes 2013), la Charte sur l’Adaptation (Durban 2009), les Sommets des Régions à Montréal (2005), Rio (2012) et Paris (2014), les appels de Bordeaux et de Yamoussoukro (2015). Il s’inscrit aussi dans la suite des déclarations communes d’acteurs non-étatiques « Catalyser l’action » (New York 2014), la déclaration de Lifou (Oceania 21) et celle de la MEDCOP21 (Marseille 2015). Il nourrira les autres étapes mondiales de mobilisation des acteurs territoriaux (Ontario, Bogota…) jusqu’au Sommet des Dirigeants Locaux pour le Climat, à Paris le 4 décembre. Il représente un moment de dialogue participatif, d’engagements et d’élaboration de propositions entre acteurs non-étatiques, à un niveau d’approfondissement et de représentativité encore jamais atteint.
Dans la diversité de nos origines, de nos cultures et de nos sensibilités, nous, participants à ce Sommet, voulons affirmer aujourd’hui collectivement notre engagement et nos convergences, et souligner l’importance d’une approche collaborative dans la lutte contre le dérèglement climatique:
Nous défendons une approche territoriale de l’action climatique
Nous considérons tout d’abord que, sans une réelle approche territoriale, tenant compte des réalités économiques, sociales, culturelles et environnementales, sans une mise en cohérence à cette échelle des politiques publiques et des capacités d’action de tous les acteurs non-étatiques, avec une forte exigence de renforcement de la gouvernance locale et régionale, de la protection des droits fondamentaux et d’un développement humain durable et sensible au genre, alors il ne sera pas possible de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. La 21ème Conférence des Parties à la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), qui se tiendra en décembre 2015 à Paris, devra ainsi reconnaitre la nécessité de cette approche territoriale. Nous accueillons ainsi favorablement la définition d’un quatrième pilier pour un succès à Paris, dit « Agenda des Solutions », l´initiative du plan d´action Lima-Paris, et nous soulignons notre engagement pour renforcer l´ambition avant et après 2020.
Nous affirmons le caractère indissociable des accords mondiaux sur le développement et le climat, la nécessaire synergie entre les négociations, sur le financement du développement, de l´agenda post-2015, Habitat III, et la CDP/COP21: les outils de lutte contre le dérèglement climatique doivent aussi permettre de répondre aux autres grands défis de ce siècle et réciproquement : lutte contre la pauvreté, accès à l’énergie durable, à l’eau et aux autres ressources, développement urbain durable, aménagement des territoires ruraux, souveraineté alimentaire, santé des populations, égalité homme-femme, travail décent et droits des travailleurs, comprenant les agriculteurs, respect des droits des peuples autochtones, protection des forêts et de la biodiversité, la préservation des ressources naturelles… Affirmer et montrer cette synergie est nécessaire à la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour l’élimination progressive des émissions de gaz à effet de serre. Nous insistons particulièrement sur les actions d’adaptation qui doivent évidemment conforter la résilience et le développement durable des territoires, s’appuyer sur les initiatives locales et régionales et les connaissances traditionnelles, sur la nécessité d’assurer une transition juste pour les territoires, les entreprises et leurs salariés dans cette période de transformation vers une économie bas-carbone, sur le renforcement de l’influence des femmes et de leur capacité d’action, en particulier dans la gouvernance territoriale. Nous soulignons le rôle fondamental de l’éducation. Former les jeunes générations, renforcer leur capacité d’intervention sont des enjeux majeurs d’un monde en mutation.
Nous insistons sur l’enjeu du financement des actions territoriales.
Mobiliser de nouvelles ressources est une condition incontournable pour renforcer les capacités locales et régionales, avoir une action globale forte par démultiplication des actions locales et régionales. Notre expérience souligne aussi que cette transition vers une économie faiblement carbonée et résiliente génèrera des créations d’emplois, des économies et une amélioration de la qualité de la vie, grâce aux co-bénéfices sociaux et environnementaux dans de nombreux domaines. Nous appelons au renforcement des moyens dédiés par les Etats et les institutions financières internationales à la lutte contre le dérèglement climatique, à la mise en œuvre de nouveaux mécanismes (garantie d’emprunts, green bonds, tiers-financements, intégration d’un prix du carbone dans l’économie) pour démultiplier les capacités d’action. Nous défendons l’intégration des secteurs économiques privés et des acteurs syndicaux dans cette mobilisation collective, l’association de tous les acteurs territoriaux dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des projets, ainsi qu’une approche décentralisée des enjeux énergétiques.
Il nous apparait essentiel que les collectivités territoriales des pays en développement aient un accès facilité aux fonds internationaux, comme le Fonds vert. Le renforcement de leur capacité à monter des projets finançables doit être une priorité dans l’agenda international. Nous considérons aussi pertinente l´étude de la faisabilité de fonds spécifiques dédiés à l´action territoriale, pouvant être abondés directement par les collectivités ou des financements innovants. Face à la diversification des financements (aide publique au développement, prêts ou garanties publics ou privés, affectation de recettes liées à la taxation du carbone, philanthropie…) nous défendons une approche intégrée permettant la synergie de ces différentes sources, qui travaillent encore le plus souvent sans se coordonner.
Nous prenons l’engagement de poursuivre et de renforcer notre action
Les engagements portés à Lyon par les responsables des réseaux internationaux, en particulier par les maires, les présidents et chefs de gouvernements infranationaux pouvant s’engager au nom de leurs territoires, sont une contribution majeure à la construction d’un agenda des solutions nécessaire à la crédibilité d’un scénario de stabilisation du climat. Ces engagements collectifs ne sont pas théoriques, ils sont crédibilisés par le résultat concret de nombre de territoires qui ont déjà réussi à faire baisser fortement leurs émissions de gaz à effet de serre, qui ont engagé aussi des politiques d’adaptation ambitieuses. Les initiatives soutenues par les réseaux de collectivités territoriales, la Convention des Maires, le Pacte des régions et Etats fédérés, et le Pacte des maires, témoignent de leur volonté. Nous préconisons des évaluations régulières et indépendantes des actions engagées, des comptabilisations fiables et accessibles des émissions évitées. C’est une condition de la confiance, comme le respect des engagements de financement. Afin d’appuyer cette mobilisation, nous renforcerons la mutualisation des bonnes expériences et le soutien au montage de projets, la coopération entre gouvernements locaux et infranationaux, conforterons dialogues et synergie d’actions entre l’ensemble des acteurs non-étatiques, associerons les citoyens, hommes et femmes, à la co-construction des plans d’action et à leur mise en œuvre.
Ainsi, dans la suite des ateliers du Sommet mondial Climat & Territoires, nous prenons l’engagement de soutenir le développement de coalitions d’actions, rassemblant tous les acteurs concernés, sur le transport sobre en carbone, le développement des énergies renouvelables, l’habitat durable, l’accès à l’énergie durable, le droit à l’alimentation, etc. Nous appelons donc les Etats à soutenir les propositions élaborées collectivement par les ateliers du Sommet mondial Climat & Territoires, propositions qui ont fait l’objet de consensus et qui permettent de renforcer les capacités concrètes d’intervention des acteurs non-étatiques, nous leur demandons aussi de tous prendre en compte et de valoriser dans leurs propres contributions déterminées à l’échelle nationale (CPDN/INDC), les actions de leurs acteurs non-étatiques, et en premier lieu celles de leurs gouvernements locaux et infranationaux.
Nos engagements, appuyés sur une dynamique de dialogue entre acteurs non-étatiques, aux vécus et origines diverses, doivent conforter les Etats dans leurs propres contributions pour un accord à Paris, robuste, contraignant, équitable et universel, qui soit un message clair à l’action de tous, au service du bien collectif. La réponse au défi climatique doit ainsi nous amener à renforcer les régulations internationales, les coopérations entre et dans les territoires, l’égalité et la solidarité entre les habitants de notre planète aux équilibres fragiles. C’est la conviction que la réponse à ce défi passe par l’action de tous qui nous rassemble. »
Liste des signataires:
Au 10 septembre 2015, la déclaration a reçu le soutien des organisations suivantes :
Gouvernements locaux et régionaux: CGLU, ICLEI, C40, The Climate Group, R20, nrg4SD, ORU-FOGAR, FMDV, Energy cities, CCRE-CEMR, Platforma, Eurocities, Climate Alliance, AIMF, AIRF, Oceania 21 Meetings, AMF, ADF, ARF, AFCCRE, CUF, AMGVF, ACUF, ADCF, FNAU, CRPM, ERRIN
Entreprises et Industrie: Global Compact, ICC France
Enfants et jeunesse: Climates, Les Petits débrouillards, GARJAN, PUSH Sverige, Avenir climatique
Peuples autochtones: COICA, IPACC, TEBTEBBA
Agriculteurs: ROPPA (Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest)
ONG; Climate Action Network (CAN), World Wide Fund (WWF), CODATU, Green Cross, Enda Tiers-Monde, World Wide Views, 4D, Comité 21, FNE, FNH, GERES, RAC-F, CLER, Brigada Cimarrona Sebastián Lemba, Uganda Coalition for Sustainable Development, MARS Practitioners Network, CEMAT (focal point of the Mesa Nacional de Cambio Climático de Guatemala), HELVETAS Swiss Intercooperation, Ecocity Builders
Femmes et genre: Women and Gender constituency, Soroptimist International
Travailleurs et syndicats: Confédération Syndicale Internationale (CSI), CFDT