2 juin 2015. Intervention de Ronan Dantec pour explications de vote. Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), 2ème lecture au Sénat

Lors de la deuxième lecture au Sénat, le groupe écologiste s’est abstenu, le Sénat ayant réduit l’ambition du texte et freiné le renforcement du couple intercommunalités – régions.

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Mesdames et messieurs les rapporteurs, Chers collègues,

Après une semaine de débat qui ne m’a pas toujours, je vous l’avoue, enthousiasmé, je suis ce week-end rentré en Loire-Atlantique et j’ai déjeuné avec plusieurs élus locaux de petites communes er de sensibilités politiques diverses, j’insiste sur ce point.

J’avoue que j’étais quand même un peu inquiet après qu’ici au Sénat, nombre de mes éminents collègues, aient relayé avec force ce mal-être des élus de terrain, comptant les jours avant la disparition inéluctable des communes, se sentant délaissés, pour ne pas dire méprisés par les élus régionaux ou métropolitains. Je me voyais déjà voué aux gémonies pour le soutien du groupe écologiste au renforcement des conseils de développement et aux grands principes de cette réforme, autour du renforcement du couple régions – intercommunalités.

J’aurais vraiment dû enregistrer nos échanges tant ils furent éclairants et parfois surprenants.

Première critique forte, et je vous promets que je n’invente rien, la remise en cause du seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités : j’étais avec des élus qui avaient anticipé la réforme, préparé la nouvelle carte, et se trouvaient désorientés par la machine arrière toute du Sénat. J’ai même dû les rassurer sur le fait que ce seuil de 5000 rétabli ne survivrait probablement pas à la CMP.

En dynamique, conscients des enjeux d’évolution rapide des territoires, ils m’ont parlé de renforcement des mutualisations, de fusion des communes, il y a beaucoup de projets en ce moment…à des années lumière des débats sénatoriaux…

Ils ont défendu les conseils de développement dont ils ont l’expérience et qui leur semblent être une réponse intéressante pour remobiliser des habitants, parfois plus consommateurs de services publics que réellement citoyens.

Mes chers collègues, ce que je vous raconte ici, c’est aussi la réalité de la France des territoires du XXIème siècle, qui ne se résume pas au repli, au refus de toute réforme, à la méfiance vis-à-vis du territoire d’à côté. Je ne nie pas les territoires en souffrance, j’en connais, j’y interviens aussi, mais au lieu de leur répondre réellement, le Sénat, en détricotant nombre d’aspects de l’essence même de cette loi, ne leur a pas rendu service.

Nous aurions dû ici discuter de réforme fiscale, d’une DGF plus lisible et solidaire, nous aurions dû faire preuve d’audace pour une péréquation fiscale régionale qui distribue sur l’ensemble du territoire les richesses créées, notamment dans les métropoles, nous aurions dû discuter du renforcement de la prescriptivité des schémas régionaux pour imposer un aménagement du territoire plus équilibré.

Nous avons fait l’inverse, allant même jusqu’à parler des régions comme d’une menace pour les territoires, ne manque plus qu’une proposition de loi pour supprimer les régions ! Je compte sur Roger Karoutchi pour la déposer !

Il y a donc beaucoup de raisons de voter contre ce texte ainsi amendé, aux prescriptivités réduites et aux échéances toujours repoussées.

Nous ne le ferons pas et choisirons donc l’abstention.

Nous défendons ainsi quelques avancées rares de la discussion sénatoriale.

La confirmation de la création d’une collectivité territoriale unique pour la Corse, avancée forte, actant les différences entre territoires de la République. C’est une avancée forte qui aurait aussi pu être appliquée en Alsace. Je n’y reviens pas. Nous regrettons en revanche la suppression de la faculté de créer une redevance de mouillage dans les aires marines protégées gérées par des collectivités locales. Il s’agissait pourtant uniquement d’une faculté, en aucun cas une obligation, celle-ci ne concernait que deux aires marines, et surtout, cette disposition était historique dans le sens où pour la première fois, on cherchait à faire entrer dans la loi une demande d’adaptation législative faite par une collectivité locale, en l’occurrence la Corse. Je regrette le rejet de cette disposition, par idéologie, alors qu’il s’agissait pourtant d’une proposition très pragmatique, répondant à l’afflux de plaisanciers à cause de taxations appliquées en Sardaigne. Nous n’avons pas réussi à nous entendre.

Néanmoins, le droit d’adaptation législative et réglementaire des régions – timide, très timide moyen d’aller vers une décentralisation différenciée – est rendu plus opérationnel, grâce à un amendement écologiste. Le refus de donner suite aux demandes des régions devra faire l’objet d’une décision motivée du Premier ministre.

Je voudrais aussi remercier le rapporteur Hyest d’avoir repris un amendement écologiste qui précise que le préfet ne peut s’opposer aux schémas régionaux prescriptifs que pour des motifs juridiques, et non politiques. Il ne pouvait pas y avoir d’ambigüité sur le fait que ces schémas ne pouvaient en aucun cas être l’occasion d’une recentralisation. Cet éclaircissement est important. L’encadrement des pouvoirs du préfet, voilà une avancée de la décentralisation.

En effet, et je me suis tout à fait retrouvé dans l’intervention du rapporteur Hyest, nos territoires ne sont pas des îles, et les schémas régionaux, socles de cette loi, sont préservés, c’était pour nous essentiel. Restera à l’Assemblée à en renforcer la prescriptivité.

Quelques messages en conclusion : je crois que le Sénat a laissé cette loi au milieu du gué, l’empêchant d’aller au bout de la logique, mais sans toutefois totalement la détricoter. C’est maintenant au gouvernement d’aller au bout d’une logique que nous soutenons et qui est beaucoup mieux comprise et partagée dans les territoires que ce que certains ici ont tenté de présenter.

Ensuite, la méfiance qui s’est exprimée vis-à-vis des métropoles et des régions devra être entendue. Ce sera demain la responsabilité des élus de ces collectivités de répondre à cette crainte réelle. S’ils ne l’entendent pas, alors le risque est grand d’un blocage du dialogue entre niveaux territoriaux, là où la coopération est pourtant nécessaire. Si ce message est entendu, le débat au Sénat n’aura pas été inutile.

La France a bougé. L’organisation du XIXème siècle ne correspond pas aux enjeux du XXIème, en aménagement du territoire comme en vie démocratique.

Le groupe écologiste était dans ses propositions, comme souvent, un peu en avance sur son temps, mais n’en déplaise à certains, c’est bien le sens de l’histoire.

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