Alors que deux incendies hors norme dévastent la forêt girondine, Ronan Dantec a interrogé le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l’adaptation de nos forêts au changement climatique. Il l’a notamment interpellé sur la perte d’effectifs constante à l’Office national des forêts en suggérant un moratoire immédiat sur la suppression programmée des postes.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, si les engagements pris par les États lors de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP, de Glasgow sont tenus, alors, vers 2050, le climat se stabilisera autour d’une augmentation des températures de 2,3 degrés Celsius par rapport à la période préindustrielle. Une telle augmentation à l’échelon mondial signifie une hausse des températures d’environ 4 degrés en France, soit plus du double du réchauffement aujourd’hui constaté dans notre pays, qui se situe autour de 1,8 degré.
Les années 2050 à 2060, ce sera le moment où nous couperons les arbres – les pins en particulier – que nous allons replanter sur les dizaines de milliers d’hectares aujourd’hui détruits par les flammes. Ces arbres pousseront donc dans un univers inconnu.
Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.
D’une part, comment avez-vous prévu de débattre avec les acteurs du secteur de la foresterie pour que l’on tire toutes les conséquences du réchauffement à venir et des catastrophes actuelles ? Il nous faut intégrer des changements inéluctables et profonds aux modèles d’exploitation : choix des essences, diversité des plantations, débroussaillage ou encore lutte contre les parasites. Tout est à remettre à plat et les modèles économiques sont à revoir. Cela ne se limite donc pas à la seule sécurité civile, même si ce rôle reste essentiel, et nous rendons bien évidemment tous hommage aux pompiers et à ceux qui s’engagent dans cette lutte.
D’autre part, pour mener à bien cette nécessaire mutation, nous avons besoin de la recherche publique et de nos agences d’État. Ma seconde question est donc très simple, monsieur le ministre : allez-vous mettre fin à la suppression constante de postes à l’Office national des forêts (Applaudissements sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Loïc Hervé applaudit également.), dont la présence déclinante sur le terrain se fait aujourd’hui sentir dans la prévention des incendies et dans la protection de l’environnement ? Cette hémorragie se poursuit avec la suppression de 95 postes cette année !
Ne considérez-vous pas que, au vu de la situation actuelle, un moratoire immédiat sur la suppression programmée des postes constituerait déjà un signal important ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Plusieurs points, monsieur le sénateur Dantec.
D’abord – je ne peux m’abstenir de le souligner en réponse à une question sur les incendies –, 2 300 pompiers se battent actuellement aux côtés des élus locaux et des forces de l’ordre contre ces feux. Il est essentiel de le rappeler en répondant à chacune de ces questions, parce que le réchauffement climatique provoque la sécheresse des sols et accroît la vitesse de propagation des feux.
Cela dit, je tiens à le répéter, dans 95 % des cas, les départs de feu sont d’origine humaine…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et alors ?
M. Christophe Béchu, ministre. … et nous avons collectivement la responsabilité de diffuser les consignes et de rappeler la nécessité de lutter contre cette propagation. (M. Alain Richard applaudit.)
Reste que les forêts qui brûlent actuellement ont toutes été plantées à une époque où étaient ignorées les conséquences actuelles des changements climatiques.
Vous soulevez la question de la situation climatique qui sera la nôtre quand les forêts que nous nous apprêtons à planter arriveront à maturité. En ce domaine, des recherches ont été conduites pour faire en sorte, par exemple, de planter autour d’une pinède d’autres types d’essences, notamment méditerranéennes, plus adaptées à des sols plus secs.
Vous avez raison de dire qu’il faut mobiliser tant les connaissances scientifiques actuelles sur le sujet que les moyens dont l’État peut disposer. Le ministre de l’agriculture et moi-même venons, il y a peu, de soumettre des propositions à l’attention de la direction générale de l’ONF, pour celui ou celle qui aura à suggérer des pistes au Gouvernement dans ces différents domaines.
J’ajoute que l’ONF gère 25 % de la forêt française, 75 % des forêts étant privées.
M. Loïc Hervé. Et le Centre national de la propriété forestière ?
M. Christophe Béchu, ministre. Braquer les projecteurs sur ce que nous avons à faire pour les forêts publiques est une chose. Cependant, nous ne pouvons pas oublier le dialogue avec l’ensemble des propriétaires de forêts privées, qu’il s’agisse des couloirs de défense incendie ou des réflexions sur les essences. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)