« Même si, comme on le savait à l’avance, la déclaration finale du Sommet n’est pas à la hauteur des enjeux de la dégradation accélérée de la planète, Rio + 20 nous dote d’un cadre et d’un calendrier cohérent sur les trois ans qui viennent, associant pays émergents comme industrialisés, pour nous permettre d’arriver à un accord sur des objectifs précis en 2015. »
A quelques heures de la clôture du sommet Rio+20, Ronan Dantec répond aux questions de Cathy Lafon, journaliste à Sud Ouest, et fidèle à ne pas céder à toute forme de climato-pessimisme qui ne serait que contreproductif, pointe les timides avancées dans lesquelles s’engouffrer.
« Non, Rio+20, c’est pas mort ! »
Décryptage en direct de Rio + 20, avec Ronan Dantec. Le sénateur EELV de Loire-Atlantique, porte-parole climat du réseau mondial de collectivités locales CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis) participe également aux négociations onusiennes de Rio en tant que membre de la délégation du Sénat français. Il nous donne sans détour sa perception de représentant mondial des villes et de la société civile, au premier Sommet de la Terre du siècle.
Alors ce Sommet de Rio, franchement Ronan, c’est mort, non ?
Ronan Dantec. Mais non, Rio + 20, c’est pas mort ! D’ailleurs, une négociation internationale, ce n’est jamais mort. Le premier point positif, c’est justement qu’elle existe. C’est vrai, je pensais qu’on pouvait espérer aller plus loin dans la négociation et qu’on s’entendrait pour soumettre aux représentants des Etats un texte plus exigeant et plus avancé. Mais dans la nuit précédant l’arrivée des chefs d’Etat, le pays hôte, le Brésil, a tiré vers le bas la négociation, par crainte de reproduire l’échec du sommet de Copenhague. Et à la différence de Copenhague, il y a en effet aujourd’hui un vrai texte d’engagement commun, qui n’est pas si flou qu’on le dit et que tout le monde peut signer.
Ce n’est pas un peu trop optimiste, comme vision des choses ?
R.D. Passer pour l’optimiste de service ne me fait pas peur ! Mais je ne suis pas non plus un optimiste béat. Même si, comme on le savait à l’avance, la déclaration finale du Sommet n’est pas à la hauteur des enjeux de la dégradation accélérée de la planète, Rio + 20 nous dote d’un cadre et d’un calendrier cohérent sur les trois ans qui viennent, associant pays émergents comme industrialisés, pour nous permettre d’arriver à un accord sur des objectifs précis en 2015. Avec notamment, entre temps, une conférence sur le climat associant les pays émergents et, pour la gouvernance mondiale, la création en 2013 d’un forum politique de haut niveau. Enfin, dernier point positif de Rio, c’est qu’il en ressort la nécessité de mieux associer dans l’avenir la société civile, dont le rôle me semble désormais reconnu, au travail d’élaboration d’un dévelopement planétaire durable. Pour moi, les conditions sont réunies pour que nous réussissions ensemble à trouver au milieu de la décennie, le grand deal mondial qui permettra de sauver la planète et de préserver l’humanité.
Et le rôle de l’Europe dans tout ça?
R.D. L’Europe, première puissance économique mondiale, a un rôle de leadership important à jouer dans l’histoire du développement durable mondial. L’Europe n’a pas démérité à Rio. Avec la France, notamment gâce à la convergence franco-allemande, avec le Danemark et la Commission européenne, elle a vraiment cherché à tirer le texte de l’accord vers le haut. Les Européens refusaient un document qui leur semblait dépourvu d’ambition et demandaient en particulier qu’une place plus grande soit faite au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Mais il faut reconnaître qu’elle s’est retrouvée isolée vers la fin d’une négociation que le Brésil a précipitée. Elle n’a pas su maintenir un rapport de force politique suffisant. Un autre grand regret : l’axe Europe-Afrique, dont j’attendais beaucoup car il avait bien fonctionné à Durban, a échoué à Rio, où la proposition commune Europe-Afrique de créer une Organisation mondiale de l’environnement a été rejetée. Mais l’Europe-Afrique n’a pas disparu pour autant des écrans radars du développement durable et doit rester un atout majeur pour l’avenir de la planète.
Quid de l' »économie verte », un des deux enjeux majeurs du Sommet ?
R.D. Comme on pouvait s’y attendre, il n’y a pas eu d’accord à Rio sur la définition de « l’économie verte ». Il manque vraiment un travail préalable d’appropriation d’un concept que tout le monde ne voit pas de la même façon et dont certains se méfient. Mais l’important est que pour la première fois, même si c’était prématuré, la question de l’économie verte comme vecteur du développement durable, a été été posée avec celle de sa définition sur la table de travail onusienne des chefs d’Etat. Pour moi, l’économie verte doit naître en réalité de la convergence des grandes économies des pays développés et de celles des pays émergents, vers un développement soutenable partagé.
Et Hollande, entre nous, il a assuré à Rio ? Ou pas ?
R.D. Oui. Sa présence à Rio a été très positive. J’assistais à sa première conférence de presse à Copacabana, le jour même de l’ouverture du sommet le 20 juin, avant qu’il ne prononce son discours devant les chefs d’Etat et l’ONU. Il m’a donné le sentiment d’avoir compris que le texte de Rio + 20, même s’il ne pouvait pas être à la hauteur des enjeux et ne pourrait donc produire qu’un résultat a minima, constituait une étape, ou mieux, un vrai point de départ dans la décennie qui s’ouvre, pour sauver la planète. Il s’est réjoui des avancées réelles, tout en soulignant les insuffisances notoires du projet de déclaration finale et en réclamant de ses partenaires un sursaut pour faire avancer la cause de l’environnement et du développement durable. Il a en outre donné l’assurance que la France jouerait pleinement le rôle politique, économique et financier qu’on attend d’elle pour la construction d’un développement durable planétaire. En déclarant qu’elle serait au rendez-vous pour les financements innovants, tout en soutenant l’instauration en Europe d’une taxe sur les transactions financières, dont les recettes seront affectées au développement et à la défense de l’environnement. Enfin, en matière de gouvernance, il a regretté le refus de la majorité des pays présents de créer une agence de l’ONU spécialisée de l’environnement et a assuré vouloir mener le combat de son émergence. Et puis, c’est mon dada, mais sa volonté d’associer pleinement la société civile et les collectivités locales est bien réelle : pour le réseau mondial des collectivités locales dont je suis le porte-parole climat, c’est d’une grande importance…
Mais si en 2015, on dit à nouveau : « Sauver la planète, ok, oui mais dans trois ans ! » ?
R.D. Bien sûr, c’est le risque. Mais tous les combats qu’on mènera durant les trois ans qui viennent me permettent de garder confiance. Et puis, même s’il y a urgence, il n’est pas trop tard, on peut encore sauver la planète ! Tant qu’on se bat, il n’est jamais trop tard. Alors on peut me trouver trop optimiste, mais moi, je me juge raisonnablement optimiste, car je suis avant tout un optimiste de combat.