Faisant suite à la remise du rapport par la commission d’enquête sur le « coût réel de l’électricité », l’interview de Ronan Dantec dans les colonnes de Politis (lien vers le site ici)
Un rapport sénatorial pointe les défis posés par la hausse des coûts de l’électricité.
« Le nucléaire n’est plus compétitif »
Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le coût réel de l’électricité (1), remis le 11 juillet, souligne les limites du modèle énergétique français : le nucléaire est une énergie à risque de plus en plus coûteuse. Selon Ronan Dantec, sénateur EELV, membre de la commission, une transition s’impose.
Quelles sont les raisons de la hausse du coût de l’électricité ?
Ronan Dantec : La commission de régulation de l’énergie estime qu’il faudrait augmenter d’environ 30 % le prix de l’électricité dans les prochaines années pour que le système soit à l’équilibre. Il faut faire face au sous-investissement sur les réseaux, qui ont besoin d’être renforcés et modernisés. De plus, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est sous-dotée. Celle-ci va augmenter à cause des énergies renouvelables, mais pas seulement. Enfin, le coût de production, lié notamment au nucléaire, continue d’augmenter. On pourrait imaginer d’autres systèmes, par exemple que la CSPE soit abondée par des recettes telles que la future taxe carbone. Ce n’est pas au consommateur d’assumer la totalité de la hausse.
Peut-on développer un nouveau système électrique ?
La France est en train de se marginaliser, parce qu’aujourd’hui la part de richesse nationale consacrée à l’électricité est bien supérieure à la moyenne européenne. C’est autant d’argent qui ne va pas dans d’autres secteurs économiques. Le nucléaire nous permet d’avoir une facture d’électricité plus légère que nos voisins européens, mais le coût du kilowattheure est sous-estimé. Le système français est fondé sur le gaspillage et sur des prix qui augmentent rapidement. Les Français consomment beaucoup plus d’électricité que les autres Européens. Le rapport montre que le nucléaire n’est plus compétitif. On a utilisé tous nos moyens industriels de recherche et de développement sur une filière qui n’a plus de débouchés. Il faut remettre le système à plat et accompagner la montée en puissance des énergies renouvelables, comme partout en Europe, avec un prix de garantie de 70 ou 75 euros le mégawattheure. Mettre en place la décentralisation, avec un « consomm’acteur » qui module sa consommation suivant les heures de la journée. Pour que la France retrouve sa compétitivité, il faut sortir du nucléaire et lutter contre le gaspillage.
Une conférence environnementale a été annoncée pour la rentrée. Pensez-vous qu’elle peut peser dans ce débat ?
La ministre de l’Écologie, Delphine Batho, a dit clairement que la conférence environnementale ne portera pas sur les questions de fond de la transition énergétique. Il s’agit d’une amorce de débat. Je partage son avis : un débat d’une telle complexité ne peut pas se trancher en une journée. Ce débat doit prendre en considération tous les acteurs. On pourrait envisager une loi de qualité courant 2013. La commission d’enquête a montré des convergences entre les socialistes et les écologistes. Nos propositions vont dans le sens de la transition énergétique proposée par François Hollande, c’est-à-dire la non-prolongation des centrales actuelles. Le débat devra répondre à des questions techniques, notamment sur la précarité énergétique. Le rapport retient ainsi la proposition du médiateur de l’énergie de mettre en place un chèque énergie adapté à la consommation de chaque ménage. On a beaucoup de travail, mais je pense que le rapport sénatorial éclaircit déjà les choses.
Propos recueillis par Laurène Perrussel-Morin