Dans son rapport budgétaire sur les transports routiers 2014 rendu au nom de la commission développement durable du Sénat, Ronan Dantec s’est attaché à faire des propositions pour sauver la taxe poids lourds, ce rapport constituant ainsi le premier travail parlementaire à contenir des pistes de propositions ressortant de ces auditions pour une sortie par le haut sur ce dossier.
Ci-après la synthèse du rapport et quelques articles sur le sujet.
La synthèse du rapport :
Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique, vient de rendre son rapport parlementaire sur le budget transports routiers au nom de la commission du développement durable, dont il est Vice-président.
La suspension de la taxe poids lourds menace les investissements d’avenir dans le domaine des transports (y compris les transports publics urbains). Le sénateur a procédé à plusieurs auditions (FNTR, OTRE, FNSEA, Ecomouv’, AFITF, sociétés d’autoroutes, FNE, services de l’Etat, ADEME) pour remettre à plat les termes du débat. Son rapport est le premier travail parlementaire à contenir des pistes de propositions ressortant de ces auditions pour une sortie par le haut sur ce dossier.
Alors que certains semblent déjà considérer inéluctable un report au moins jusqu’en 2015, le rapport de Ronan Dantec s’inscrit nettement dans la perspective de sauver l’écotaxe et de permettre sa mise en œuvre dès que possible en 2014.
Recette annuelle de 1,1 milliard d’euros destinée au financement des infrastructures de transports, cette taxe vise à faire enfin peser le coût des infrastructures routières sur leurs utilisateurs (au lieu d’un financement par l’impôt dans le cadre du budget général), ce qui aboutira à rationaliser l’organisation des transports, au bénéfice de l’état des routes, de la qualité de l’air et en favorisant la rationalisation des circuits et le report modal.
Payable au kilomètre et frappant tous les transports par poids lourds (français ou étrangers), elle contribue à réduire la concurrence déloyale et favorise la compétitivité des circuits économiques courts au détriment des transports longs.
Les pistes d’évolution de la taxe poids lourds développées dans un esprit de dialogue avec l’ensemble des acteurs économiques concernés, sont les suivantes :
– Remédier aux difficultés révélées par les transporteurs, en particulier les TPE, PME ou ETI.
Une des causes de la contestation de l’écotaxe est qu’elle pourrait avoir pour conséquence de favoriser la concentration du secteur du transport routier, alors que ce n’est pas dans ses objectifs. Son application concrète désavantage en effet les petites et moyennes entreprises de transport.
Plusieurs propositions visent à faire disparaitre ces inégalités : supprimer les différences de traitement financier entre transporteurs abonnés et non abonnés ; envisager la suppression de la caution sur le matériel embarqué ; créer un fonds de modernisation destiné aux TPE, ETI et PME du transport ; et surtout accroitre les contrôles sur les pratiques de concurrence déloyale dont pâtit fortement le secteur routier français. Les constatations de Ronan Dantec rejoignent ici celles du rapport de Fabienne Keller sur la circulation des mégacamions et le fret routier européen (publié le 10 juin 2013), avec dans ce domaine – comme dans d’autres – les problèmes de distorsion de concurrence dans le cadre du détachement des travailleurs ressortissants de l’Union européenne.
– Apporter des réponses à la filière agricole
Le rapporteur estime nécessaire d’entendre les demandes du monde agricole.
Plusieurs types d’exonération sectorielles sont possibles : transport d’animaux vivants, de déchets d’animaux ou de carcasses dans un rayon de 50 kilomètres ; et surtout transport de toutes les matières agricoles exploitées en amont du produit fini, en ayant une lecture restrictive de la notion de « bien » évoquée dans la directive qui serait assimilée à celle de « produit non fini ». Le transport du produit fini – celui livré aux grossistes et à la grande distribution – étant alors le seul à être soumis à l’écotaxe.
La contestation de l’écotaxe révèle le caractère anxiogène des pratiques de la grande distribution, qui sont aujourd’hui un élément déstabilisateur de l’économie de notre pays. La grande distribution va largement bénéficier du CICE. Cet avantage justifie d’autant plus que la grande distribution desserre la pression financière qu’elle exerce sur les producteurs et assume le surcoût généré par la taxe plutôt que d’imposer aux producteurs de l’intégrer dans leurs prix.
Une mention obligatoire du coût résultant de la mise en œuvre de l’écotaxe en pied de la facture du producteur afin qu’il puisse être intégralement répercuté auprès de la grande distribution, est une voie qui devrait être explorée. Mais plus largement, cette crise doit amener l’Etat à une réelle fermeté envers la grande distribution contre tout abus qu’elle exerce au moment des négociations commerciales.
– Augmenter les taux d’écotaxe applicables aux poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux, responsables de la dégradation accélérée des chaussées.
Récemment autorisés, ce type de poids lourds est surtout utilisé pour les grandes distances et le trafic de transit. Leur autorisation n’était pas demandée par les professionnels du transport routier. Au vu des études sur les usures supplémentaires générées par ces véhicules sur l’état des routes, il apparaît logique de leur facturer un coût kilométrique plus important.
– Garantir une mesure objective du report de trafic sur les autoroutes pour se donner la capacité d’en tirer les conséquences.
Compte tenu des difficultés de l’administration à collecter des données auprès des sociétés d’autoroute et du déséquilibre des rapports entre l’Etat et les concessionnaire (rapport Cour des comptes 24 juillet 2013), la connaissance précise et incontestable du report de trafic sur les autoroutes que va engendrer l’application de la taxe poids lourds sur le réseau non concédé (évalué entre 250 et 400 millions d’euros annuels) est indispensable.
La réalisation d’un « point zéro » sur le premier semestre 2014 doit être une priorité.
Il apparaît clair pour le rapporteur que l’Etat devra trouver les moyens de récupérer la majeure partie des bénéfices nouveaux que génèrera l’écotaxe pour les sociétés privées d’autoroute, du fait d’un report prévisible de camions des routes soumises à écotaxe vers les autoroutes.
Les propositions de crédits du budget transports routiers du projet de loi de finances ont été votées par la commission du développement durable du Sénat, suite au débat qui a suivi la présentation du rapport par Ronan Dantec (le rapport, lui, n’est pas soumis au vote).
Intervention en commission sur le rapport : ici
UN SENATEUR ECOLOGISTE AU SECOURS DE L’ECOTAXE
Le Monde.fr | 28.11.2013 à 12h54 | Par Patrick Roger
Comment sortir de la crise de l’écotaxe ? Le rapporteur du budget des transports routiers au Sénat, Ronan Dantec, sénateur (EELV) de la Loire-Atlantique, dont le rapport a été adopté mercredi 27 novembre en commission, est convaincu que « les problèmes ne sont pas insurmontables ». « Une société mature doit trouver les moyens de sortir d’une crise comme celle-là », affirme le sénateur écologiste, dont l’objectif est de parvenir à « sauver l’écotaxe ».
Depuis l’annonce de la suspension de sa mise en œuvre, il a donc procédé à une nouvelle série d’auditions avec les principaux acteurs concernés : administration, Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), fédérations de transporteurs, d’exploitants agricoles, sociétés autoroutières… Dans le but de parvenir à dégager des solutions rendant possible la mise en place, dans les meilleurs délais, de la taxe poids lourds.
Le nouveau délai – sans parler d’un éventuel abandon – est lourd de conséquences financières. La taxe poids lourds est censée rapporter, dans le projet de loi de finances pour 2014, 760 millions d’euros à l’AFITF, qui elle-même concourt à la même hauteur au développement des infrastructures routières, sur un total de 1,1 milliard d’investissements. L’agence de financement intervient également pour l’entretien et l’exploitation du réseau routier national.
« MOINS CHER POUR LES GROS QUE POUR LES PETITS »
La suspension de la taxe poids lourds va immanquablement retarder un certain nombre de projets d’infrastructures et de programmes de modernisation, alors que l’AFITF a déjà utilisé les crédits de son fonds de roulement, en raison des retards déjà pris dans la mise en place de l’écotaxe. « Renoncer à son entrée en vigueur condamnerait l’Etat et les collectivités territoriales à continuer d’assumer l’entretien des routes par l’impôt », prévient M. Dantec.
A l’issue de ses auditions, le sénateur dégage plusieurs pistes de travail pour parvenir à « une solution rapide et pérenne ». Tout d’abord, et c’est une des causes de contestation par les petites entreprises de transport, l’application de l’écotaxe désavantage fortement ces dernières et risque d’agir comme un facteur de concentration du secteur. « Tout est fait pour que ce soit moins cher pour les gros que pour les petits, note le rapporteur. Le but de ce système n’est pas de créer des distorsions de concurrence. Il faut par conséquent réfléchir à un dispositif élargi pour bénéficier de l’abonnement et de l’abattement auquel il donne droit et remettre à plat le système de la caution, voire envisager sa suppression. »
Du côté des organisations agricoles, la FNSEA, première d’entre elles, ne réclame pas la suppression de l’écotaxe mais elle souhaite que des solutions soient trouvées – au-delà des décisions déjà annoncées pour le monde agricole – pour soulager les agriculteurs. La fédération réclame, notamment, l’exonération de l’écotaxe sur la chaîne du produit non fini. Les marges de manœuvre sont cependant étroites, car les exonérations sont très encadrées par la directive Eurovignette.
Le rapporteur propose d’étendre l’exonération aux véhicules utilisés pour le transport de carcasses et de déchets d’animaux, aux véhicules transportant des animaux vivants dans un rayon de 50 kilomètres et aux véhicules utilisés par des entreprises agricoles pour toutes les matières exploitées en amont du produit fini, dans un rayon de 100 kilomètres, ce qui, selon lui, entre dans la définition du « transport de biens dans le cadre de leur activité professionnelle », tel que précisé dans les textes européens.
Le troisième volet de propositions porte sur la question d’un taux majoré de l’écotaxe pour les véhicules de 40 à 44 tonnes, compte tenu des dégâts qu’ils occasionnent sur le réseau routier et du surcoût d’entretien qu’ils engendrent. « Ce sont les impôts qui payent le cadeau fait aux 44 tonnes », s’insurge M. Dantec, en référence au décret de décembre 2012 autorisant la circulation des 44 tonnes sans aucune contrepartie.
« DANS UNE NÉGOCIATION, ON NE SE DÉGARNIT PAS D’ENTRÉE DE JEU »
Enfin, pour le rapporteur, « il est hors de question que les sociétés d’autoroute se fassent une cagnotte par le report de trafic » sur le réseau autoroutier que pourrait engendrer l’écotaxe. Le ministère de l’écologie chiffre entre 250 et 400 millions d’euro l’augmentation de ces recettes de péages. Chiffre que contestent les sociétés autoroutières. Pour permettre une mesure réelle de l’évolution du trafic liée à la mise en œuvre de l’écotaxe, M. Dantec propose un dispositif de mesures partant de la situation actuelle et fournissant les données au fil de la mise en place de l’écotaxe. Le délégué général de l’Association française des sociétés d’autoroute (AFSA) en a approuvé le principe.
A partir de ces données, l’Etat pourrait envisager une récupération, totale ou partielle, de l’effet d’aubaine pour les autoroutes, ce à quoi, en revanche, les sociétés d’autoroute sont opposées. Raison de plus, note M. Dantec, pour ne pas précipiter la prolongation d’exploitation des autoroutes à leurs actuels concessionnaires. « Dans une négociation, on ne se dégarnit pas d’entrée de jeu, on garde quelques atouts en main », insiste-t-il.
Le sénateur écologiste met au pot ses propositions, alors qu’à l’Assemblée nationale une mission d’information va également réfléchir, de son côté, à des propositions en vue d’améliorer le dispositif existant. Son objectif est de ne pas laisser la main aux partisans de l’enlisement ou de l’enterrement de l’écotaxe, qui se trouvent parfois jusque dans les rangs de la majorité. « Faire de la politique, c’est aussi, face à des situations de blocage, d’essayer de chercher des voies de compromis plutôt que de rester dans des postures idéologiques », souligne M. Dantec, qui aime à se qualifier de médiateur, même vis-à-vis de sa propre famille politique.
Dépêche d’AEF développement durable :
Un rapport du sénateur écologiste Ronan Dantec émet des propositions pour « sauver l’écotaxe »
« Je n’ai pas l’impression que l’on soit face à des problèmes insurmontables », déclare, mercredi 27 novembre 2013, le sénateur écologiste de Loire-Atlantique Ronan Dantec, à propos de la taxe poids lourds, qui selon lui pourrait être mise en place en juillet 2014 mais est actuellement suspendue sine die (AEF n°18080). Nommé rapporteur au nom de la commission du développement durable du Sénat sur le budget des transports routiers, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, l’élu émet ainsi quelques propositions pour « sauver l’écotaxe », à destination des transporteurs routiers et du monde agricole. Son rapport, qui n’est pas encore rendu public mais qui a été adopté par la commission, porte sur la taxe poids lourds, mais aussi sur le bonus-malus automobile, et plus généralement sur les flux financiers prélevés sur le transport routier et affectés au développement du transport ferroviaire et fluvial.
Le sénateur EELV de Loire-Atlantique, Ronan Dantec « ne pense pas que le compromis soit si difficile à trouver » au sujet de la taxe poids lourds, malgré « les blocages de la société française ». Dans son rapport sur le budget des transports routiers pour l’année 2014, qui a été présenté et adopté ce mercredi matin par la commission du développement durable du Sénat, il émet quelques propositions pour « sauver l’écotaxe ». « La décision politique peut être prise avant l’été », estime-t-il, pour une mise en place en juillet.