Alors que l’examen du projet de loi « Climat et Résilience » vient de s’achever au Sénat, je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous l’intervention de Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, chef de file du groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires lors des explications de vote sur l’ensemble du texte exposant les raisons pour lesquelles le groupe écologiste a voté contre ce projet de loi.
Lors du vote solennel, le Sénat a adopté le texte avec 193 voix pour, 100 voix contre sur 293 suffrages exprimés (vous trouverez les résultats du scrutin public ici) .
La commission mixte paritaire, chargée de trouver un accord sur les deux versions du texte, devrait avoir lieu le lundi 12 juillet à 15 h.
(Seul le prononcé fait foi)
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Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs
Le patron du Programme alimentaire mondial a, cette semaine, alerté sur la grave sécheresse qui frappe actuellement Madagascar, première famine sur le continent depuis longtemps, sans qu’aucune guerre ou conflit n’en soit à l’origine.
Cette situation n’est liée qu’à plusieurs années de sécheresse consécutives, ce qui fait dire à la directrice du PAM qu’il s’agit de la première famine totalement liée au réchauffement climatique. Il y a donc, le terme est malheureusement aujourd’hui totalement galvaudé, urgence à agir, et les décisions que nous prenons aujourd’hui, dont les effets se feront pleinement sentir dans dix ans, sont donc essentielles.
Si nous voulons avoir une chance de stabiliser le climat, alors nos émissions devront avoir massivement baissé dès 2030, c’est la feuille de route que nous fixe la communauté scientifique. L’Europe est aujourd’hui le seul continent à prendre ses responsabilités, avec un objectif adopté par le Conseil européen de -55% des émissions de gaz à effet de serre, objectif ambitieux qui nécessite un réel effort de mutations de notre économie, une transition qui doit être financée par le New Green Deal. Cet objectif se doit donc d’être décliné au niveau des États membres, c’est notre feuille de route et le Sénat l’a rappelé en introduction avec un amendement commun à la plupart des groupes politiques.
Le Sénat a beaucoup travaillé, et je veux ici rendre hommage aux différents rapporteurs qui ont tous beaucoup œuvré.
2000 amendements, dont ceux du groupe écologiste, qui étaient adossés à notre vraie loi climat, un projet totalement quantifié qui montre comment la France pourrait tenir l’objectif européen de -55%. 44 de nos amendements ont été adoptés, dont certains réellement ambitieux, et je voulais donc remercier les rapporteurs et le Sénat de les avoir votés.
Mais malgré tout, il est très clair que la loi, modifiée par le Sénat, ne respecte pas plus l’objectif européen, que le projet de loi initial. Un calcul rapide à partir des avis du Boston Consulting Group et du Haut Conseil pour le Climat, nous donne toujours un résultat entre -30 et -35% en 2030. Loin de l’objectif. C’est extrêmement problématique. Je le redis, l’enjeu est bien qu’à Glasgow, dans la logique du mécanisme de l’accord de Paris qui prévoit tous les cinq ans, une réévaluation d’engagements actuellement très insuffisants, la communauté mondiale, et notamment les très grands émetteurs que sont la Chine et les Etats-Unis prennent aussi des engagements crédibilisant une trajectoire sous les deux degrés. C’est une négociation difficile, je la suis depuis quinze ans, un rapport de force avec de nombreuses conséquences économiques. Avec son -55%, l’Europe arrive en situation de force, mais si, derrière l’objectif européen, il n’y a pas les déclinaisons nationales, notamment en France, pays garant de l’accord de Paris, alors notre capacité à imposer l’effort mondial s’effrite. Les négociateurs internationaux scrutent tout, y compris les débats du Sénat français, et donc malheureusement notre loi insuffisamment ambitieuse est un élément de fragilisation de la négociation internationale.
De ce fait, le groupe écologiste ne peut que voter contre ce texte issu de nos travaux, car il ne répond pas à notre responsabilité internationale.
En 7 minutes, je n’ai pas le temps d’analyser les avancées et les reculs.
En avancées :
- le rôle des collectivités territoriales est rappelé, à travers le vote de la dotation climat pour la mise en oeuvre de la compétence climat que nous leur avons donné ;
- une stratégie assez cohérente sur la volonté d’un transfert modal de l’avion vers le rail, par le signal prix comme l’avait souligné le rapporteur Tabarot en commission avec la TVA à 5.5 % sur les billets de train et l’encadrement de la compensation et sacralisation de la taxe sur les billets d’avion dite “taxe Chirac” vont dans ce sens ;
- des signaux intéressants pour le développement d’une filière photovoltaïque française ;
Je n’ai pas le temps de tout énumérer, mais dans l’autre sens :
- un refus de la limitation de la publicité, à la fois sur les gaspillages de papier ou d’énergie, mais plus largement sur le refus de limiter les désirs de produits pourtant incompatibles avec notre trajectoire CO2 ;
- une offensive contre l’éolien terrestre et même offshore, à travers de signaux incohérents avec un objectif de 50 GW de puissance installée pour l’éolien offshore et un droit de veto pour les communes riveraines, ce qui est contradictoire, voire absurde ;
- le refus des efforts nécessaires dans la modification des pratiques agricoles, notamment la réduction des engrais azotés très émetteurs de CO2.
Mais surtout Madame la ministre, nous avons besoin de vous entendre, de mieux vous comprendre, et à travers vous le gouvernement sur la suite, car cette loi n’étant pas suffisante, il va falloir y revenir.
C’est d’abord une occasion manquée, vous aviez inventé, et nous y étions favorable, la Convention citoyenne pour le climat qui devait trouver des consensus, des compromis pour définir des mesures à la hauteur des réductions quantitatives demandées.
Comment faisons-nous, Madame la ministre, nous devrons y revenir, car la loi n’est pas compatible avec notre objectif européen. Ce sera certainement le cas avant la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera votée au Parlement en 2023. Mais d’ores et déjà, je vous fais une proposition simple. En commission mixte paritaire, nous pouvons garder les meilleures mesures pour le climat de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce ne sera pas encore suffisant, mais nous aurons déjà renforcé notre action.