Dans le cadre du débat sur l’avenir du transport ferroviaire en France – débat à l’initiative du groupe RDSE – Ronan Dantec est intervenu au nom du groupe écologiste rappelant combien le transport ferroviaire, transport décarboné, est un vecteur d’aménagement du territoire à même de répondre aux enjeux relatifs à l’égalité et à l’inclusion des territoires.
Madame la présidente,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
« Plus on habite loin d’une gare, plus on vote FN ».
Le démographe Hervé Le Bras analysait ainsi en décembre 2015 les résultats des dernières élections régionales.
Le transport ferroviaire porte donc un enjeu lié non pas à la seule mobilité, mais aussi à l’égalité et à l’inclusion des territoires, la mobilité s’assimilant au dynamisme du territoire et de ses habitants. La gare désaffectée délivre, plus que tout autre bâtiment, un terrible message d’abandon d’un territoire et de relégation de ses habitants.
C’est pourquoi je remercie le groupe du RDSE de son initiative. Il est vrai que nous avons déjà eu ce débat, mais les derniers événements politiques, que ce soit le Brexit ou l’élection de Trump aux États-Unis, montrent qu’il est largement temps de revenir sur ce sujet afin de forger des solutions.
Le transport ferroviaire est un vecteur d’aménagement du territoire. Nous savons bien, particulièrement au Sénat, que des politiques de mobilité réussies contribuent au dynamisme et réduisent les fractures territoriale et sociale.
Cela fait au moins trente ans que les gouvernements annoncent la « préférence ferroviaire ». Pourtant, les financements ne suivent pas et la SNCF se retrouve dans une équation impossible, qui l’amène à abandonner les wagons isolés, les terminaux embranchés et les trains de nuit ou d’équilibre du territoire, à faire transporter ses essieux par la route et privilégier les voyageurs par rapport aux marchandises, le TGV par rapport aux lignes ordinaires, fermant chaque année des centaines de kilomètres de lignes secondaires et ne consacrant pas suffisamment de moyens à l’entretien, avec les conséquences que l’on connaît (problèmes de circulation, retards, voire malheureusement des accidents).
Nous devons donc débattre de nouveau ici de ce choix politique, à savoir que le réseau ferré est délaissé faute de financements. Le groupe écologiste s’oppose, évidemment, à l’orientation actuelle, et ce pour deux raisons principales : l’intérêt du ferroviaire sur le plan de l’écologie et de la transition énergétique, ainsi que sur celui de l’aménagement du territoire.
En premier lieu, faut-il encore souligner que le transport ferroviaire est un moyen de transport décarboné ? Quand on a à l’esprit qu’un quart des émissions de gaz à effet de serre est dû aux transports, que le transport routier, à lui seul, en est responsable à hauteur de 92 % et qu’en France les émissions de CO2 liées au transport ont augmenté l’an dernier après avoir été en baisse régulière depuis dix ans, on mesure la nécessité de développer les alternatives à la route et, parmi celles-ci, le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises, qui apparaît comme une urgence écologique et de santé publique.
Deuxième enjeu : l’aménagement du territoire. Dans le contexte que je viens d’évoquer, le tout-TGV est une impasse, disons-le clairement. En effet, les financements ne sont pas illimités, bien au contraire, et il faut privilégier la mobilité du quotidien et les réseaux qui irriguent l’ensemble du territoire.
Je ne donnerai qu’un seul exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Lors du débat public organisé par la Commission nationale du débat public au sujet de la nouvelle ligne Bretagne-Pays de la Loire, les usagers ont plébiscité la modernisation et la rénovation du réseau ferroviaire. Pour eux, la priorité devait aller au quotidien, c’est-à-dire aux liaisons entre Brest et Quimper, Saint-Nazaire et Rennes, Nantes et Bordeaux, ou encore à la réouverture de l’axe entre Auray et Saint-Brieuc – Michel Le Scouarnec pourrait nous en parler… Il est temps d’entendre les priorités mises en avant par les usagers !
Les villes moyennes sont encore fragilisées par l’affaiblissement du réseau de transport ferroviaire, qu’il s’agisse des Intercités ou des TER. J’insiste notamment sur les problèmes à répétition rencontrés par les usagers dans le cadre de leurs transports entre domicile et travail. Certains reviennent même à la voiture alors qu’ils ont des abonnements de train. C’est une aberration !
Nous déplorons les fermetures de lignes sur le réseau dit secondaire, où circulent les bien nommés trains d’équilibre du territoire. Alors qu’entre 1995 et 2013 110 000 kilomètres de route ont été réalisés en France, ce qui correspond à une extension de 11 % en moins de vingt ans, le réseau ferré en service s’est contracté, dans le même temps, de 6 %, soit une perte d’environ 2 000 kilomètres de lignes.
Par exemple, je suis plus qu’inquiet en ce qui concerne la ligne Brive-Aurillac par Bretenoux, que je connais bien : elle est aujourd’hui en travaux, mais sans qu’il y ait une réelle garantie de réouverture… J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous donner des indications à ce sujet.
Nous dénonçons aussi l’arrêt, à l’automne, de la moitié des trains de nuit qui fait suite à la décision du Gouvernement de ne plus financer leur exploitation, non pas parce qu’ils ne répondent pas à la demande des citoyens, mais parce que leurs coûts d’exploitation, trop élevés, ne seraient plus assez couverts par le prix des billets.
La question n’est cependant pas seulement celle du prix du billet, car une telle décision veut dire, par exemple, que des PME ne s’installeront pas dans les villes moyennes concernées. Le sentiment de déclassement ne peut que se développer et il est temps d’intégrer dans l’équilibre financier de la SNCF l’ensemble des coûts publics, qui sont finalement bien plus importants que le seul prix du billet. Je sais que le président Jacques Mézard et moi-même sommes en complet accord sur ce point.
Je ne dispose pas de suffisamment de temps pour développer plus avant, mais il est nécessaire de trouver des moyens de financement pour cela.
Il faut d’abord ramener vers le train un certain nombre d’usagers. Aujourd’hui, l’aérien est bien plus subventionné en France, notamment en raison de la détaxation du kérosène. Le train pâtit de cette distorsion de concurrence.
Il faut raisonner sur des péréquations financières nationales et régionales. Les métropoles mettent-elles une part suffisante de la richesse créée au service des villes moyennes ? Il faudra revenir sur cette question importante.
En outre, la SNCF assume effectivement un service public, si bien que la dette ferroviaire doit relever du budget de la nation, pas uniquement du sien.
Enfin, l’écotaxe aurait dû nous permettre de capter des recettes sur l’usage des routes. Nous commençons seulement à mesurer le coût pour la nation de l’abandon de cette mesure.
L’avenir du ferroviaire doit constituer un grand débat pour notre pays : il était important de l’ouvrir de nouveau aujourd’hui.