4 février 2016. Intervention lors de l’examen de la proposition de loi « Droit individuel à la formation pour les élus locaux »

Le droit individuel à la formation de tous les élus locaux, pour favoriser leur reconversion professionnelle, sera bientôt créé, à l’initiative du Sénat. Ronan Dantec est intervenu au nom du groupe écologiste du Sénat pour défendre le statut de l’élu.

Monsieur le président, Madame la ministre, Madame la rapporteur, Mes chers collègues,

Le dépôt de la présente proposition de loi quelques mois après l’adoption de celle qui visait à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, ainsi que la décision d’engager la procédure accélérée, traduisent la volonté de mettre en œuvre rapidement le droit individuel à la formation ouvert à tous les élus locaux, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.

À la différence du droit à la formation existant, qui tend à soutenir les élus dans l’exercice de leur mandat, le droit individuel à la formation précisé par cette proposition de loi leur permet de suivre des formations pouvant notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur mandat. Le groupe écologiste tient à saluer le travail de fond accompli sur ce sujet par le Sénat, en particulier par notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Le droit individuel à la formation des élus locaux est un progrès qui contribue à la construction d’un véritable statut de l’élu – un chantier qui, quoiqu’on en débatte souvent dans cette assemblée, n’avance qu’avec une extrême lenteur. En contribuant à rassurer les candidats à un mandat électif ou les élus en fin de mandat sur leur retour dans la vie professionnelle classique et en consacrant ce principe qu’agir pour la collectivité ne doit pas pénaliser sur le plan professionnel, le droit individuel à la formation tend à ouvrir plus largement l’exercice des mandats, à favoriser le renouvellement du personnel politique local et à renforcer la diversité des assemblées, dont la grave insuffisance actuelle alimente la crise de la représentation.

La discussion de cette proposition de loi nous fait effleurer le débat plus global sur les dynamiques de renouvellement démocratique et les conditions d’exercice du pouvoir, un débat qui devra évidemment être encore approfondi. Tout citoyen qui le souhaite devrait pouvoir s’emparer de la chose publique en briguant un mandat électif, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui.

La proposition de loi nous fournit aussi l’occasion d’adresser un message à nos 550 000 élus locaux, qui forment le socle de notre démocratie et de la cohésion de la communauté nationale : ils accomplissent un travail que nous savons extrêmement prenant, parfois au détriment de leur vie professionnelle et familiale.

Au demeurant, j’entends les inquiétudes qui ont été exprimées, voilà encore quelques instants, au sujet des indemnités des élus. Il est vrai que, dans cette période de populisme, la petite musique du « trop payés à ne rien faire » devient parfois assourdissante. De ce point de vue, je regrette que certains présidents de région aient décidé symboliquement de baisser les indemnités des élus régionaux. Quel symbole ! En réalité, cette mesure accrédite l’idée que les élus seraient trop payés, alors que, comme Mme la ministre l’a souligné, la plupart d’entre eux sont bénévoles ou perçoivent des indemnités extrêmement faibles, même lorsque, dans des petites communes, ils accomplissent eux-mêmes le travail de services qui n’existent pas, au point parfois d’être tout autant accaparés que les élus des grandes collectivités, qui peuvent, eux, s’appuyer sur des services très étoffés.

À cet égard, je me demande s’il ne serait pas souhaitable d’élaborer une grille nationale unique pour les indemnités des élus, car, du fait de la souplesse laissée aux collectivités territoriales dans ce domaine, la situation est totalement figée. En effet, aucun maire ni aucun président d’exécutif n’augmenteront les indemnités de ses élus, car ce serait provoquer immédiatement le débat politique que nous imaginons bien. Comme de très fortes disparités existent, cette situation a pour effet de figer des réalités hétérogènes. Il me semble donc que, dans le cadre de notre réflexion sur le statut de l’élu, nous devrions envisager la fixation par la représentation nationale, et sous la responsabilité de celle-ci, d’une grille unique s’appliquant dans l’ensemble du pays. (Mme la rapporteur opine.)

Je brave peut-être le politiquement correct en tenant ce discours, mais j’estime qu’une vraie question se pose. (Mme la ministre approuve.) D’ailleurs, les réactions que je remarque sur l’ensemble de nos travées me font penser qu’un consensus pourrait être trouvé pour que la responsabilité de fixer le montant des indemnités s’exerce au niveau national.

Par ailleurs, je profite de mon intervention pour alerter Mme la ministre sur les difficultés rencontrées par un certain nombre d’élus locaux pour faire financer l’intégralité de leurs formations. En particulier, certaines collectivités territoriales – je pourrais citer des exemples – rechignent à rembourser aux élus leurs frais de transport et d’hébergement, quand bien même la loi les y oblige. Il faut dire aussi que trop de maires et de majorités refusent encore de prendre en charge les formations des élus de l’opposition. De manière générale, nous savons très bien que, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales, les crédits de formation sont bien souvent victimes de restrictions, alors qu’ils correspondent à un droit.

Madame la ministre, au début du mandat des nouvelles équipes régionales et alors que le renouvellement des équipes municipales est encore récent, peut-être un courrier pourrait-il être adressé à l’ensemble des maires et présidents de région et de département pour leur rappeler les conditions d’exercice du droit à la formation des élus, un droit parfois encore méconnu et dont la mise en œuvre provoque dans de nombreuses collectivités des tensions inutiles qui, peut-être, pourraient être facilement évitées ?

Pour conclure, j’indique que les sénatrices et les sénateurs du groupe écologiste voteront la proposition de loi!

– Seul le prononcé fait foi –

Partager l'article

Articles Similaires