En février, François Hollande et Barack Obama ont inauguré une nouvelle ère d’amitié et de coopération entre nos deux Républiques. Ensemble, ils ont appelé les autres pays à les rejoindre pour parvenir à un accord « ambitieux » afin d’endiguer le réchauffement climatique. Aujourd’hui, le secrétaire d’État américain John Kerry arrive à Paris en laissant sur son bureau à Washington un dossier aussi important pour l’Élysée que pour la Maison Blanche.
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Dans les jours qui viennent, John Kerry doit communiquer sa recommandation au président Obama : autoriser ou non la construction de l’immense oléoduc transfrontalier Keystone XL. Long de plus de 2 600 kilomètres, il transporterait chaque jour 830 000 barils du pétrole le plus polluant au monde du Canada au sud du Texas.
Cette décision cristallise un débat houleux entre le secteur des hydrocarbures, qui cherche à défendre ses intérêts commerciaux, et nombre de scientifiques reconnus soutenus par une pléthore d’associations environnementales et de campagne. John Kerry – et Barack Obama – ne peuvent pas prendre cette décision à la légère. Elle aura des conséquences mondiales. Pour au moins trois raisons, François Hollande devrait soulever la question Keystone avec John Kerry lors de sa venue à Paris.
LE CHAMP LIBRE AUX GRANDS POLLUEURS
Tout d’abord, cet oléoduc transportera l’hydrocarbure le plus polluant du monde au moment même où la planète doit adopter des énergies plus propres. L’extraction du bitume émet environ 15 % de gaz à effet de serre de plus que le pétrole conventionnel. Même si nous ne pouvons pas arrêter le Canada dans sa course folle à l’extraction des sables bitumineux, nous pouvons envoyer un signal fort pour dire au monde que cette solution nous mène droit dans le mur. Le climatologue James E. Hansen, ancien de la NASA, nous a récemment mis en garde : si les réserves mondiales de sables bitumineux venaient à être entièrement exploitées, tous les efforts pour stabiliser le réchauffement climatique seraient réduits à néant.
Ensuite, cette décision pourrait saborder un prochain leadership américain sur la question climatique. Alors que le monde entier doit se préparer à un nouvel effort pour parvenir à un accord en 2015 en France, autoriser Keystone XL enverrait un message clair aux autres pays et à l’industrie pétrolière : le business avant tout. Les plus grands pays pollueurs auraient alors le champ libre.
Enfin, il existe d’autres solutions. Il est décisif de rediriger nos économies vers les énergies renouvelables et peu polluantes si nous voulons réorienter notre trajectoire ; ne pas dépasser les deux degrés de réchauffement sera alors possible. Alors que de plus en plus de pays font face aux conséquences du changement climatique et se plaignent du retard accumulé face aux défis d’une planète en plein réchauffement, de nombreux gouvernements font preuve d’un leadership ambitieux, et nécessaire.
Alors pourquoi approuver un tel projet ? Le principal argument est celui de l’emploi. En France, nous savons à quel point il est essentiel de s’occuper des files d’attente devant Pôle emploi. Les Républicains américains avancent que Keystone pourrait donner lieu à 40 000 embauches. Obama, de son côté, annonce que Keystone apporterait 2 000 emplois pendant la construction, puis seulement « 50 à 100 emplois permanents dans une économie qui en compte 150 millions ». Or, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui pourraient être créés grâce à la transition énergétique.
SAUVER LA PLANÈTE
Cette décision influera sur le réchauffement climatique du monde entier, sur des générations. Plutôt que de nous engouffrer dans l’impasse Keystone, nous devons emprunter un autre chemin : investir dans les énergies renouvelables et sortir le carbone de la vie économique, afin d’engager une transition énergétique mondiale.
Le leadership franco-américain peut aboutir à un accord qui pourrait sauver la planète à Paris l’an prochain. Pour les États-Unis, la question Keystone est cruciale. Tant d’années d’abus et d’inaction ne laissent plus qu’une seule issue. François Hollande doit s’imposer comme chef de file pour s’assurer que tous les pays participant à la Conférence de Paris 2015 seront prêts à négocier, au lieu de rejouer l’échec retentissant de Copenhague.
Keystone est une bombe climatique à retardement, que John Kerry peut désamorcer avant qu’elle n’éclate. Pour le bien de tous et de la planète.
Barbara Pompili, Députée (EELV), Co-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale – François de Rugy, Député (EELV), Co-président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, Vice-président du groupe d’amitié France-Etats-unis – Denis Baupin, Député (EELV), Vice-président de l’Assemblée nationale – Danielle Auroi, Députée (EELV), Présidente de la commission des affaires européennes, Vice-présidente du groupe d’amitié France-Etats-unis – François-Michel Lambert, Député (EELV), Vice-président de la commission Développement Durable et Aménagement du Territoire – Noël Mamère, Député (apparenté écologiste) – Eric Alauzet, Député (EELV) – Laurence Abeille, Députée (EELV) – Michèle Bonneton, Députée (EELV) – Isabelle Attard, Députée (apparentée écologiste) – Eric Alauzet, Député (EELV) – Jean-Vincent Placé, Sénateur (EELV), Président du groupe écologiste au Sénat – Ronan Dantec, Sénateur (EELV), Vice-président de la commission développement durable – Aline Archimbaud, Sénatrice (EELV) – Kalliopi Ango Ela, Sénatrice (EELV) – Esther Benbassa, Sénatrice (EELV) – Corinne Bouchoux, Sénatrice (EELV) – Jean Desessart, Sénateur (EELV) – Joël Labbé, Sénateur (EELV) – Hélène Lipietz, Sénatrice (EELV) – Yannick Jadot, Députée européen (EELV) – Corinne Lepage, Députée européenne (ALDE), ancienne ministre française de l’Environnement, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21