EPR: EELV veut la peau d'un "jouet insensé" en période de crise. Par Marie Simon, publié le 04/12/2012 à 16:40 (directement sur le site)

Comme dans le dossier Notre-Dame-des-Landes, EELV critique vertement l'EPR de Flamanville et s'oppose au PS... mais veut croire que sa participation au gouvernement finira par payer.

L'EPR de Flamanville coûtera 2 milliards d'euros de plus que prévu et la facture globale s'élève désormais à 8,5 milliards d'euros. Depuis cette annonce d'EDF lundi, les écolos ne se privent pas de condamner un gouffre financier, sur le mode "On vous l'avait bien dit". Sauf qu'EELV fait désormais partie de la majorité gouvernementale qui tient fermement à ce projet. L'EPR serait-il la nouvelle pomme de discorde entre le PS et ses alliés, en plein "dialogue" sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes?

Dans les deux cas, EELV dénonce un "délire" économique, laissant presque au second plan les arguments écologiques, crise oblige. "L'EPR est un jouet inutile, insensé et invendable. Notre budget est contraint, alors arrêtons les frais!", lance Pascal Durand, secrétaire national d'EELV.

Utiliser les 2 milliards d'euros... pour l'éolien terrestre

"Même en série, l'EPR ne sera jamais compétitif", insiste Ronan Dantec, sénateur EELV, en s'appuyant sur un récent rapport de la commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité, auquel il avait participé. "La Cour des comptes évoque le chiffre de 70 à 90€ / MWh pour le coût de production, ce qui placerait l'EPR de Flamanville dans une situation de coût comparable, sinon supérieur, à l'éolien terrestre", lit-on dans ce rapport disponible en intégralité sur le site du Sénat.

De là rêver que les 2 milliards de coûts supplémentaires annoncés ce lundi soient plutôt injectés dans la recherche liée au secteur des énergies renouvelables, pour en soutenir le développement rapide, il n'y a qu'un pas que les écologistes franchissent allègrement. Pascal Durand regarde du côté de l'Allemagne "qui a fait ce choix et où les métiers d'avenir ont généré quelque 300 000 emplois. En outre, cette réorientation serait parfaitement cohérente avec l'objectif de réduction du nucléaire à 50% d'ici 2015, avec le relais assuré par le renouvelable."

Batho et Proglio dans le collimateur

Mais le gouvernement ne l'entend pas de cette oreille. Ce mardi, Delphine Batho, ministre de l'Ecologie et de l'Energie, a simplement assuré que le "calendrier d'une ouverture en 2016" du réacteur EPR en construction à Flamanville serait "tenu", tout comme la fermeture de la centrale de Fessenheim, conformément aux engagements de François Hollande. Pour elle, les chiffres publiés lundi par EDF mené par Henri Proglio sont un simple "élément de transparence" dans un processus qui suit son cours.

C'est plutôt "un aveu de bidonnage des chiffres", juge François de Rugy, co-président du groupe EELV à l'Assemblée nationale. Pour lui, cet épisode prouve qu'il existe un "problème de crédibilité à la tête d'EDF", tant sur le plan économique que technologique. "On apprend ainsi que le renchérissement serait lié aux normes post-Fukushima... L'EPR version initiale n'apportait-il pas de fiabilité supérieure aux normes en vigueur pour des centrales vieilles de plusieurs décennies?", s'étonne-t-il. Autre figure dans son collimateur: Delphine Batho elle-même, à qui il demande "plus d'intransigeance vis-à-vis d'EDF à qui elle a donné un quitus lors de l'incident de Fessenheim, début septembre, quand une vraie enquête aurait été nécessaire."

EPR, Notre-Dame-des-Landes: même combat?

Un projet d'infrastructure très cher, sur fond de crise économique et de sobriété budgétaire, un gouvernement qui campe sur ses positions, des écolos qui grognent et font entendre leur petite musique... Ce schéma du débat politique sur l'EPR peut aisément se transposer sur un autre dossier: le transfert de l'aéroport de Nantes à Notre-Dame des Landes. Fin connaisseur de la question en tant que sénateur de la Loire-Atlantique, Ronan Dantec estime que "dans les deux cas, la technostructure d'Etat cherche à masquer des coûts pour avancer, en les cachant à la société démocratique. Or si on intégrait tous les coûts, on ne mènerait évidemment pas ces travaux."

Dans les deux cas mais aussi sur le gaz de schiste, les Verts jouent aux funambules, entre participation au gouvernement et convictions. Jusqu'à quand? "Si le gouvernement ne tire pas les conséquences" de cette annonce de surcoût, "à savoir arrêter Flamanville, je pense que nos chemins commenceront à diverger sérieusement", a estimé Noël Mamère, député EELV, sur iTélé. Mais ses camarades ne partagent pas toujours cet avis radical. "Au contraire, l'EPR montre que nous avons eu raison de passer un accord avec le PS. Ce n'est pas le moment de déserter. 2013 sera l'année de la remise à plat, via le débat sur la transition énergétique", veut ainsi croire Ronan Dantec.

Pascal Durand fixe une échéance un peu plus précise : septembre-octobre 2013. "Ces dossiers, nous les connaissions mais nous avons fait le pari que le PS nous entendrait et que la raison l'emporterait. Attendons de voir comment nos propositions sont intégrées dans la loi sur la transition énergétique, attendue dans 6 mois. A l'automne 2013, nous verrons si oui ou non, notre accord a été utile." Et si EELV reste au gouvernement. Ultimatum reporté... mais fixé.

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