La majorité de droite au Sénat et son chef de file Bruno Retailleau viennent de rejeter la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle entraine ainsi la France dans le repli sur soi, l'uniformité, le refus de sa diversité, sa richesse. Vous trouverez ci-après une revue de presse qui fait suite à la discussion générale au cours de laquelle Ronan Dantec a rappelé à quel point cette Charte constituait un outil de construction du vivre ensemble dans l'acceptation de nos diversités.

Le télégramme : Langues régionales. Le Sénat enterre la Charte (par Catherine Magueur)

Sans surprise, le Sénat a rejeté, hier soir, le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales. Pour des raisons « constitutionnelles » et « juridiques » selon l'opposition. Parce que les élections régionales approchent aussi... La garde des Sceaux, Christiane Taubira, ne pouvait pas faire basculer le Sénat. « Que craignent ceux qui s'opposent à ce texte ? Une menace sur la langue française ? Une dérive communautariste ? », s'est exclamée la ministre. L'opposition avait appelé à resserrer les rangs. Pas question d'afficher des divisions dans le groupe. Pas question surtout de laisser François Hollande devenir l'homme des langues régionales à la veille des élections régionales. « Nous n'allions pas tomber dans le piège. La ficelle, que dis-je, la corde de marine était un peu grosse ! », selon Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat.

« Énormément de mépris »

Alors, jusqu'au bout, ça a ferraillé. « Memes, ar brezhoneg zo eur yezh flour ! », s'est exclamé le sénateur Ronan Dantec au nom du groupe écologiste. Traduisez : « Quand même la langue bretonne est une bien belle langue ! ». Le matin même, il avait dénoncé « l'absurdité » de la situation. « Vous vous rendez compte que si la France était candidate à l'Union européenne, elle ne pourrait pas adhérer parce qu'elle n'a pas ratifié la Charte européenne des langues régionales », a-t-il asséné. Avant d'ajouter, amer : « On a senti aussi dans le débat " énormément de mépris " ». Ronan Dantec en a profité pour citer un sénateur de l'opposition qui, en commission, n'a pas hésité à déclarer : « Il n'y a pas que des lettrés en France... et ce sera une catastrophe ». Ronan Dantec est, aussi, en phase avec d'autres sénateurs bretons comme le Morbihannais Michel Le Scouarnec ou le Costarmoricain Yannick Botrel. Les députés comme Paul Molac, Jean-Jacques Urvoas sont d'accord, aussi, pour reprocher à l'opposition d'avoir bricolé « des échappatoires, des arguties juridiques pour éviter le débat de fond ». Selon eux, seule la ratification de la Charte sécurise les langues régionales. Ensemble, ils ont dénoncé les arguments de l'opposition qui préfère « rester dans l'immobilisme et le conservatisme ».

« Danger du communautarisme »

Les sénateurs Les Républicains, Philippe Bas et Bruno Retailleau, en tête ont dénoncé, certes, le risque de contradiction juridique entre la Constitution et la Charte mais ils sont surtout montés au créneau quant au « danger du communautarisme ». Cette charte conférerait selon eux « des droits particuliers à des groupes spécifiques. » Or, ont-ils ajouté : « Un citoyen français en vaut un autre. Où serait l'égalité dans tout cela ? ». Ils ont précisé que la Charte n'apporte rien de plus aux langues régionales qu'ils disent aimer par ailleurs. Ils citent pour preuve leur proposition de loi, déposée lundi soir, qui défend ces langues au quotidien ou encore dans les médias... Chaque clan accuse, ainsi, l'autre de manoeuvre politicienne à la veille des élections régionales. La suite ? La promesse de François Hollande sera difficile à tenir. La révision constitutionnelle doit être votée par les deux chambres. Ensuite, il faudrait qu'au Congrès, réuni à Versailles, une majorité des trois cinquièmes de députés et sénateurs votent le texte. « Le rejet au Sénat entraîne la fin du texte », a assuré, hier, Bruno Retailleau. « Il faut être réaliste. Le chemin s'arrête là », a soupiré un député socialiste breton.

Ouest-France : Charte sur les langues régionales. La promesse de François Hollande tombe à l'eau (par Michel Urvoy)

Tout ça pour ça ! Après 16 ans de débats, la droite sénatoriale, par 180 voix contre 155, bloque la ratification de la charte sur les langues régionales promise par François Hollande.

« On connaît le scénario, malheureusement, c'est cuit. » Dès hier matin, avant le débat, Frédérique Espagnac (PS, Pyrénées-Atlantiques) et ses collègues communistes, écologistes et socialistes ne se faisaient plus d'illusions. Ils avaient raison.

La charte des langues régionales, signée en 1999 par le gouvernement français, ne sera pas ratifiée à travers une réforme de la Constitution : après seize ans de confrontations juridiques et politiques, le Sénat, à majorité de droite, a voté une motion de rejet. Il n'y aura pas d'examen du projet par l'Assemblée.

Il n'y aura pas, non plus, de réunion du Congrès à Versailles, en tout cas pas sur cette question, le seuil des 3/5e des parlementaires nécessaire à toute modification constitutionnelle ne pouvant être atteint.
« La négation de nos diversités »

Si le but était de mettre la droite au pied du mur à la veille des élections, on pourrait y voir une petite victoire politique de la gauche. S'il était de consolider les langues, c'est un échec : la promesse de François Hollande tombe à l'eau. Et la droite, pour écarter toute méprise, en profite pour demander un relèvement des crédits pour promouvoir le patrimoine linguistique !

Hier au Sénat, au cours d'interventions plus brillantes les unes que les autres, à commencer par celle de Christiane Taubira, tout le monde semblait d'accord : « La mort d'une langue est une perte irréparable » (Bruno Retailleau, président du groupe LR). « Le vivre ensemble ne peut se construire sur la négation de nos diversités » (Ronan Dantec, écologiste, Loire-Atlantique). Alors, où est le problème ?
Deux visions de la Nation

En gros, ratifier la charte ne change rien, ne pas la ratifier entretient le flou. Faute d'être gravée dans le marbre constitutionnel, redoute la gauche, un procureur, une administration, une majorité pourraient toujours s'opposer aux souhaits des Bretons, des Corses, des Basques, des Occitans, des Alsaciens, des Ultramarins.

À droite, l'argument est d'abord juridique : « La charte est contraire au principe d'unicité de la Constitution. » Et politique : « On ne peut pas conférer des droits particuliers à un groupe particulier sans ouvrir la porte au communautarisme », rappelle Bruno Retailleau.

« La France, pays des droits de l'homme qui refuse les droits linguistiques ! », s'exclame Paul Molac (Finistère). « La charte, ajoute Ronan Dantec, ne contient aucune mise en cause des langues officielles ni de la souveraineté nationale. En tant que patrie des droits de l'Homme, on ne met pas un quart de siècle pour ratifier un texte déclinant un droit indescriptible reconnu par les Nations unies ! »

Derrière le débat juridique, et la « ficelle politique un peu grosse et un peu rose » en pleine campagne, s'opposent deux visions du pays. Yannick Botrel (PS, Côtes-d'Armor), pointe la « conception centralisatrice et uniformatrice » de la droite. Philippe Bas (LR, Manche) lui oppose « une proposition contraire aux principes de la Constitution dont le président de la République est précisément le gardien. »

Le Figaro : L'exécutif amer après le rejet au Sénat de la charte des langues régionales (par Le scan politqiue)

La droite, qui accusait le gouvernement de vouloir se servir de la charte comme d'une «bouée de sauvetage» avant les régionales, a repoussé le texte.

Signée en 1999 par la France, la charte européenne des langues régionales attend toujours d'être ratifiée. François Hollande avait promis de mener à bien le processus, qui nécessite une modification de la Constitution, pour permettre à la France de reconnaître les langues régionales et minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle. Préalable à la réforme constitutionnelle votée par les députés et sénateurs réunis en Congrès, chaque chambre devait adopter un projet de loi de ratification. Mais le Sénat, à majorité de droite, vient de bloquer net le processus en repoussant mardi soir le texte qui lui était soumis par le gouvernement. 179 sénateurs, essentiellement de droite, mais aussi 9 RDSE (à majorité PRG), ont adopté une question préalable déposée sur le texte du gouvernement, entraînant automatiquement son rejet.

Pour motiver son choix, la droite, qui a déposé son propre texte, a d'abord invoqué des arguments de fond. «La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre les langues régionales, mais si la ratification de la Charte est le meilleur moyen d'aider la diversité linguistique sans porter atteinte à notre modèle républicain», a plaidé le chef des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau. «À cette question, je réponds non», a-t-il assuré. Réponse de Christiane Taubira dans l'hémicycle: «La vraie question est celle de notre conception de la Nation (...) À mes yeux, celle-ci doit être capable de construire de l'harmonie sans étrangler sa diversité».
Valls regrette la «surdité» de la droite

La droite semble également avoir été gênée par le calendrier choisi par le gouvernement, voyant une forme d'opportunisme dans l'examen de ce projet de loi constitutionnelle à moins de six semaines du premier tour des régionales. «Il est inacceptable que la gauche utilise les langues régionales comme une bouée de sauvetage pour les élections régionales», avait affirmé lundi Bruno Retailleau. En réponse à quoi les sénateurs de gauche accusent leurs adversaires d'immobilisme, dénonçant «un rejet politicien incompréhensible». «A travers ce nouveau blocage, la majorité sénatoriale a de nouveau adressé un message de mépris à tous ceux pour qui ces langues sont une part d'eux-mêmes», a critiqué l'écologiste Ronan Dantec. Un dépit largement partagé par un autre écolo, François de Rugy, sur les réseaux sociaux.

Pour l'exécutif, c'est surtout l'espoir d'organiser un Congrès et de mener des réformes constitutionnelles avant 2017 qui s'amincit. Sur Twitter, Manuel Valls a dénoncé le blocage du Sénat: «Je regrette le choix de la droite sénatoriale d'esquiver le débat sur les langues régionales et d'être sourde aux attentes des territoires», a écrit le premier ministre.


France 3 : Le Sénat dit non au projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales (avec AFP)

Le Sénat à majorité de droite a enterré mardi, à quelques semaines des régionales, le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales, écartant ainsi l'hypothèse d'un Congrès pour l'adoption de cette réforme constitutionnelle.

Le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales, a été retoqué mardi 27 octobre par un vote du Sénat écartant donc l'hypothèse d'un Congrès pour l'adoption de cette réforme constitutionnelle. La Charte européenne des langues régionales, qui fait obligation aux États signataires de reconnaître les langues régionales et minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle, a été signée par la France en 1999. Sa ratification avait été promise par François Hollande durant la campagne présidentielle.

179 sénateurs, essentiellement de droite, mais aussi 9 RDSE (à majorité PRG), ont adopté une question préalable déposée sur le texte du gouvernement, entraînant automatiquement son rejet. 155, à gauche dont 8 RDSE, ont voté contre cette question.
"La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre les langues régionales, mais si la ratification de la Charte est le meilleur moyen d'aider la diversité linguistique sans porter atteinte à notre modèle républicain", a plaidé le chef des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau. "À cette question, je réponds non", a-t-il assuré.
"Il n'y a pas entre nous de désaccord sur l'égalité devant la loi, sur l'unité et l'indivisibilité de la République, que le français est la langue de la République, que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel, mais sur le respect de notre Constitution et de la signature de la France", a affirmé le rapporteur de la commission des lois, Philippe Bas (LR).
En revanche, pour Frédérique Espagnac (PS), "ce projet de loi écarte tous les risques d'incompatibilité entre la Charte et notre Constitution". "Il est inacceptable de lire que la Charte est le faux-nez du communautarisme", a-t-elle dit, rappelant que "certains ont même ramené la question au phénomène migratoire".
"La vraie question est celle de notre conception de la Nation", a affirmé de son côté la garde des Sceaux Christiane Taubira. "À mes yeux, celle-ci doit être capable de construire de l'harmonie sans étrangler sa diversité", a-t-elle dit. "Pacta sunt servanda", les traités doivent être respectés, a-t-elle aussi rappelé en latin.

Une ratification promise par Hollande

"En refusant la ratification proposée par le gouvernement, conformément à l'engagement de François Hollande de 2012, la droite est tombée dans un rejet politicien incompréhensible", a réagi le groupe socialiste. "Pour mieux cacher qu'ils se défaussent sur ce débat, les sénateurs LR ont proposé un texte de loi similaire plutôt que de ratifier la Charte européenne", ont-ils accusé.
Les sénateurs LR avaient déposé lundi, à la veille de l'examen du texte, une proposition de loi pour promouvoir les langues régionales. "Il est inacceptable que la gauche utilise les langues régionales comme une bouée de sauvetage pour les élections régionales", avait affirmé à cette occasion M. Retailleau.
"La droite sénatoriale a pris la responsabilité d'une nouvelle décrédibilisation de la France sur la scène internationale. A travers ce nouveau blocage, la majorité sénatoriale a de nouveau adressé un message de mépris à tous ceux pour qui ces langues sont une part d'eux-mêmes", a critiqué Ronan Dantec (écologiste). "Encore plus grave, l'agitation d'un risque fantasmé de communautarisme par Bruno Retailleau montre qu'une certaine droite rêve encore d'une France uniforme", a estimé l'élu de Loire-Atlantique.
"Le Sénat vient de congédier brutalement tous ceux qui espéraient que les langues régionales pourraient enfin s'épanouir en France dans la sérénité", a réagi pour sa part Jean-Jacques Urvoas (PS), président de la commission des lois de l'Assemblée et député du Finistère.

L'arrivée du texte devant les sénateurs a suivi la mobilisation de plusieurs milliers de personnes pour la défense des langues régionales, le week-end du 24 et 25 octobre, de la Bretagne aux Pyrénées-Atlantiques en passant par l'Alsace.

Dernières nouvelles d'Alsace : Langues régionales : le Sénat fait barrage

Le Sénat a rejeté hier le projet de loi de ratification de la charte visant à reconnaître les langues régionales. Une impasse pour la promesse de campagne du président.

Le Sénat à majorité de droite a rejeté hier le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales. 179 sénateurs, essentiellement de droite, mais aussi 9 RDSE (à majorité Parti radical de gauche) ont adopté une question préalable sur le texte du gouvernement présenté à quelques semaines des élections régionales, entraînant automatiquement son rejet. 155, à gauche, ont voté contre cette question.

Une bataille parlementaire qui a surtout visé à faire obstacle au projet de Congrès (réunion des députés et des sénateurs à Versailles), nourri par François Hollande pour 2016 en vue de ratifier la charte rédigée sous l’égide du Conseil de l’Europe en 1992 et signée par la France en... 1999. Elle oblige les Etats signataires à reconnaître les langues régionales en tant qu’expression de la richesse culturelle et demande de fait une révision de la Constitution française qui actuellement stipule que « la langue de la République est le français ».
Espoirs déçus depuis 15 ans

Pourtant très attendue par les Bretons, les Corses, les Alsaciens, les Basques, les Occitans et les Provençaux qui se sont mobilisés par milliers le week-end dernier, elle n’a pourtant jamais pu être ratifiée par le Parlement. Droite et gauche, bien que d’accords sur le fond, divergent sur la forme : les Républicains estiment que cette ratification telle que proposée par Hollande qui en avait fait une promesse de campagne présidentielle en 2012 « instille le principe de communautarisme dans la Constitution ».

« La question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre les langues régionales, mais si la ratification de la charte est le meilleur moyen d’aider la diversité linguistique sans porter atteinte à notre modèle républicain », a plaidé le chef des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau. « À cette question, je réponds non », a-t-il assuré tandis que son groupe présentait lundi une proposition de loi destinée à promouvoir l’utilisation des langues régionales dans la vie quotidienne, dans l’enseignement ainsi que dans les médias et la création cinématographique.

«La droite sénatoriale a pris la responsabilité d’une nouvelle décrédibilisation de la France sur la scène internationale », a réagi l’écologiste Ronan Dantec. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a, quant à elle, jugé que « la vraie question est celle de notre conception de la Nation. À mes yeux, celle-ci doit être capable de construire de l’harmonie sans étrangler sa diversité ».

Libération : Le Sénat enterre la charte des langues régionales (par Laure Equy)

Promesse de campagne de François Hollande, la ratification de ce texte du Conseil de l'Europe et signée par la France en 1999, est de nouveau gelée.

Pas de miracle pour la charte européenne des langues régionales. Le Sénat vient de retoquer la ratification de ce texte du Conseil de l’Europe, en votant une motion de procédure qui a coupé court au débat parlementaire. Cette «question préalable», soutenu par la droite, majoritaire, et le centre, a été votée, mardi soir par 180 voix contre 155.

C’est le scénario que redoutaient les parlementaires de gauche partisans de la charte. Soixante d’entre eux, emmenés par le député régionaliste et EE-LV Paul Molac (Morbihan), ont tout de même tenté une ultime mobilisation en publiant sur le site de L’Obs pour interpeller la Haute-Assemblée: «Sénateurs, la France a besoin de cette charte. Soutenez ce patrimoine».
«Le Sénat, cénacle du jacobinisme le plus étriqué»

Ils ne se faisaient toutefois aucun espoir. Le projet de loi «est cuit», regrettait dans la matinée Frédérique Espagnac, sénatrice (PS) des Pyrénées-Atlantiques tandis que Ronan Dantec, sénateur (EE-LV) de Loire-Atlantique, reconnaissait que «le suspense [n’était] pas énorme». A l’Assemblée, Jean-Jacques Urvoas, président (PS) de la commission des Lois, a, lui, accusé le Sénat de se faire «le cénacle du jacobinisme le plus étriqué» au lieu d’être «la chambre des territoires».

 Le député (PS) du Finistère avait fait voter, en 2014, une proposition de loi visant à ratifier la charte, avec le renfort de voix de 60 députés «Les Républicains» et UDI. Car les promoteurs de la charte n’en sont pas à leur première tentative pour faire ratifier ce texte rédigé en 1992 et signé par la France en 1999. «Notre rocher de Sisyphe», soupire Urvoas. Le texte, qui vise à «la protection et à la promotion des langues régionales», en reconnaissant le «droit imprescriptible» de pratiquer ces langues «dans la vie privée et publique» a déjà essuyé un veto du Conseil constitutionnel et plusieurs avis défavorables du Conseil d’Etat.

Manœuvre «toute mitterrandienne»

Comme sa ratification nécessite de modifier la Constitution, il est nécessaire d’organiser un référendum ou convoquer les parlementaires en congrès à Versailles. C’est la voie qu’avait choisie, cet été, François Hollande, en réactivant cette promesse de campagne.

Les sénateurs viennent donc de stopper net ce processus, le texte devant être voté conforme dans les deux chambres pour aller ensuite à Versailles. La droite, majoritaire au Palais du Luxembourg dénonçait une manœuvre «toute mitterrandienne» du président de la République pour mettre en difficulté ses adversaires à un mois et demi des élections régionales. Pour ne pas être accusés d’enterrer des langues pour la plupart dangereusement menacées, le groupe LR a déposé avec les centristes une proposition de loi pour promouvoir leur pratique. Sur le fond, ils disent redouter que la charte ouvre une brèche «communautariste». «Faire vivre les belles identités de nos territoires, ce n’est absolument pas du communautarisme», a répliqué la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. La gauche a reproché à la majorité sénatoriale de refuser par principe d’offrir une victoire constitutionnelle à François Hollande à un an de la prochaine présidentielle. La charte, ratifiée par 25 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe mais gelée en France depuis plus de vingt ans, devra encore attendre.

TV5 Monde : Langues régionales: le Sénat enterre la Charte européenne (Par Jean-Louis PREVOST AFP)

Le Sénat à majorité de droite a enterré mardi, à quelques semaines des régionales, le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales, écartant ainsi l'hypothèse d'un Congrès pour l'adoption de cette réforme constitutionnelle.

179 sénateurs, essentiellement de droite, mais aussi 9 RDSE (à majorité PRG), ont adopté une question préalable déposée sur le texte du gouvernement, entraînant automatiquement son rejet. 155, à gauche dont 8 RDSE, ont voté contre cette question.

"La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre les langues régionales, mais si la ratification de la Charte est le meilleur moyen d'aider la diversité linguistique sans porter atteinte à notre modèle républicain", a plaidé le chef des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau. "À cette question, je réponds non", a-t-il assuré.

"Il n'y a pas entre nous de désaccord sur l'égalité devant la loi, sur l'unité et l'indivisibilité de la République, que le français est la langue de la République, que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel, mais sur le respect de notre Constitution et de la signature de la France", a affirmé le rapporteur de la commission des lois, Philippe Bas (LR).

En revanche, pour Frédérique Espagnac (PS), "ce projet de loi écarte tous les risques d'incompatibilité entre la Charte et notre Constitution". "Il est inacceptable de lire que la Charte est le faux-nez du communautarisme", a-t-elle dit, rappelant que "certains ont même ramené la question au phénomène migratoire".

"La vraie question est celle de notre conception de la Nation", a affirmé de son côté la garde des Sceaux Christiane Taubira. "À mes yeux, celle-ci doit être capable de construire de l'harmonie sans étrangler sa diversité", a-t-elle dit. "Pacta sunt servanda", les traités doivent être respectés, a-t-elle aussi rappelé en latin.

- Une ratification promise par Hollande -

"En refusant la ratification proposée par le gouvernement, conformément à l'engagement de François Hollande de 2012, la droite est tombée dans un rejet politicien incompréhensible", a réagi le groupe socialiste. "Pour mieux cacher qu'ils se défaussent sur ce débat, les sénateurs LR ont proposé un texte de loi similaire plutôt que de ratifier la Charte européenne", ont-ils accusé.

Les sénateurs LR avaient déposé lundi, à la veille de l'examen du texte, une proposition de loi pour promouvoir les langues régionales. "Il est inacceptable que la gauche utilise les langues régionales comme une bouée de sauvetage pour les élections régionales", avait affirmé à cette occasion M. Retailleau.

"La droite sénatoriale a pris la responsabilité d’une nouvelle décrédibilisation de la France sur la scène internationale", a critiqué Ronan Dantec (écologiste). "A travers ce nouveau blocage, la majorité sénatoriale a de nouveau adressé un message de mépris à tous ceux pour qui ces langues sont une part d’eux-mêmes", a-t-il poursuivi.

"Encore plus grave, l’agitation d’un risque fantasmé de communautarisme par Bruno Retailleau montre qu’une certaine droite rêve encore d’une France uniforme", a estimé l'élu de Loire-Atlantique.

"Le Sénat vient de congédier brutalement tous ceux qui espéraient que les langues régionales pourraient enfin s’épanouir en France dans la sérénité", a réagi pour sa part Jean-Jacques Urvoas (PS), président de la commission des lois de l'Assemblée et député du Finistère.

La Charte européenne des langues régionales, qui fait obligation aux États signataires de reconnaître les langues régionales et minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle, a été signée par la France en 1999. Sa ratification avait été promise par François Hollande durant la campagne présidentielle.

L'arrivée du texte devant les sénateurs a suivi la mobilisation de plusieurs milliers de personnes pour la défense des langues régionales, le week-end dernier, de la Bretagne aux Pyrénées-Atlantiques en passant par l'Alsace.

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