Article de Aline Robert dans Euractiv.fr dans lequel Ronan Dantec rappelle que « tout n’est pas tranché, notamment en matière de sortie du charbon, et les gouvernements climatosceptiques demeurent assez forts en Europe »

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La difficulté d’un accord à 28 sur le partage de l’effort risque de renvoyer la ratification de l’Accord de Paris à fin 2017. Le dit accord pourrait rentrer en vigueur sans l’UE.

« L’engagement climatique, ce n’est pas des belles phrases et des poignées de main ! ». Pour l’eurodéputé écossais Ian Duncan, rapporteur sur la réforme du marché du carbone, la coupe est pleine. Alors qu’elle a longtemps été leader sur les questions climatiques, l’Union européenne a clairement perdu son rang avec la ratification, le 2 septembre dernier, de l’accord de Paris par les États-Unis et la Chine. Et ce bien avant que le Vieux continent ne soit en état de le faire.

« Le commissaire Sefcovic a dit qu’il travaillait avec la Chine et les États-Unis sur l’application de l’accord de Paris. Mais ce n’est pas sérieux ! L’UE n’a pas fait son propre travail en interne. Un fossé se creuse entre la rhétorique et la réalité». Aux discours passionnés de la COP21, durant laquelle l’UE se vantait d’avoir mobilisé une “High Ambition Coalition” avec les États insulaires et les États-Unis, a succédé une incapacité à faire consensus sur le climat. Une situation qui déçoit les partenaires de l’UE, comme l’exprime Tony de Brum, ambassadeur climatique des îles Marshall.

L’accord de Paris pourrait entrer en vigueur sans que l’UE ne l’ait ratifié, ce qui représenterait un revers politique majeur pour l’Europe. Il faut pour cela que 55 % des pays représentant 55 % des émissions de CO2 l’aient ratifié. Sachant qu’actuellement les 28 pays signataires représentent 40 % des émissions, la partie n’est pas si loin d’être gagnée.

Certes, l’UE pourrait toujours, dans un élan quelque peu cavalier, passer outre les ratifications nationales et se déclarer compétente pour ratifier de son côté l’accord de Paris : une sortie de secours qui séduit l’exécutif européen. Mais nul ne semble prêt à prendre cette décision politiquement lourde, du côté des États membres.

Le processus de ratification européen, qui suit un chemin parallèle aux Parlements ou conseils des ministres nationaux, aura vraisemblablement terminé ses travaux rapidement : le Parlement européen, lors d’un vote consultatif, donnera son point de vue sur la ratification mi-septembre, et le Conseil européen dans la foulée en octobre. Mais cet accord de principe est insuffisant.

Des refus d’obstacle nationaux

Le refus d’obstacle vient principalement de la Pologne, qui tente toujours de négocier des subsides pour ses centrales à charbon en échange de sa ratification.«Or personne n’a envie de soutenir l’industrie du charbon aujourd’hui, c’est absurde» constate Ian Duncan. La négociation sur le partage de l’effort, soit comment arriver à limiter les émissions de CO2 de 40 % d’ici 2030, bute sur ce sujet. En conséquence, « il me semble très peu probable que l’UE ratifie avant la fin de l’année. Les Slovaques, qui assurent la présidence tournante de l’UE, parlent du deuxième semestre 2017 » souligne le sénateur Verts Ronan Dantec, qui se désole que le dossier de la répartition de l’effort entre les différents pays européens n’ait pas plus avancé. « Tout n’est pas tranché, notamment en matière de sortie du charbon, et les gouvernements climatosceptiques demeurent assez forts en Europe » rappelle-t-il.

Le Brexit représente aussi un frein à la finalisation de la ratification de l’accord de Paris par l’UE.

Au sein du gouvernement de Theresa May, le climat a perdu son ministère, et le sujet n’est pas forcément prioritaire, même si Ian Duncan assure que l’accord de Paris y sera ratifié d’ici fin 2016.

Un retard dont l’UE sera responsable

« La question de la responsabilité de l’UE se pose vraiment. Il est normal que les pollueurs historiques ratifient avant l’Inde l’accord de Paris ! L’Europe peut difficilement demander à l’Inde d’accélérer le processus si elle ne le fait pas elle-même » souligne Célia Gautier, du Réseau Action Climat. »

Or le retard pris par la simple ratification risque d’avoir des conséquences. « Cela repousse le moment où les pays vont s’intéresser vrai sujet : comment appliquer l’accord » estime Célia Gautier.

La perte de l’aura internationale de l’UE sur le climat est problématique, mais que les conséquences économiques de ce pas en arrière le sont encore plus. En matière de renouvelables, l’UE partie en avance est en train de stagner, comme le montre l’exemple français : les objectifs énergétiques de 2020, et notamment l’objectif de 23 % d’énergie renouvelable, ne sera pas atteint puisque la France n’en est qu’à 14,9 % et progresse lentement.

Et avec le départ du Royaume-Uni, le challenge sera encore plus important : atteindre une réduction de 40 des émissions sans un des partenaires moteurs risque de s’avérer nettement plus compliqué. À moins que le Royaume-Uni continue de coopérer à la politique européenne sur le climat, à l’instar de la Norvège.

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