Publié le jeudi 19 janvier 2012 à 01H00

Adoption par le Sénat de la proposition de loi de Richard Tuheiava. Grâce à la nouvelle majorité de gauche, le Sénat a adopté la proposition de Richard Tuheiava. Cette loi vise à rendre à la Polynésie les deux atolls théâtre des essais nucléaires.Mais le texte ne pourra pas être adopté par l’Assemblée nationale, sauf changement de majorité aux prochaines législatives.

“Moruroa et Fangataufa sont les deux plus grandes décharges à ciel ouvert en milieu océanique” mais ces “deux enfants souillés malgré eux” doivent être “réintégrés à la table du dîner familial”, a lancé le sénateur, ici avec le rapporteur socialiste, Roland Courteau,

La proposition de loi de Richard Tuheiava sur les conséquences environnementales des essais nucléaires a été adoptée par la nouvelle majorité sénatoriale. L’UMP a voté contre. Au nom du groupe, le député Jean-Claude Lenoir avait déposé des amendements pour supprimer chaque article du texte.

La proposition prévoit une rétrocession de Moruroa et Fangataufa à la Polynésie au 1er janvier 2014 tout en laissant à l’État la charge du maintien du dispositif de surveillance radiologique et géomécanique. Pour répondre aux craintes du ministère de la Défense, le texte dispose aussi que “le fait pour toute personne physique ou morale d’entreprendre des activités de recherche à des fins militaires est puni de quinze années de détention criminelle et de 300 000 euros d’amende”. Il prévoit également plus de transparence sur les expertises réalisées sur les atolls.

Pourtant, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a défendu le maintien de la propriété à l’État pour des raisons de sécurité : “Nous avons décidé d’assumer le contrôle de ces deux atolls pour éviter l’appropriation par des puissances étrangères”. Pour lui, “la présence française est une garantie forte que les deux atolls ne sont pas oubliés”. Dans un comparatif osé, le ministre a indiqué : “Pour être d’une région de charbon, je peux vous dire que le charbon a créé beaucoup plus de dégâts que le nucléaire”.

Alors qu’il n’a jamais été question du contraire, Jean-Claude Lenoir a indiqué : “l’État français a assumé la campagne, il apparaît normal que ce soit l’État qui continue le suivi radiologique et géomécanique.” Obligé de recadrer le débat, le rapporteur socialiste, Roland Courteau a rappelé que “cette rétrocession ne décharge en rien l’État de ses responsabilités”. Sur la même ligne, Ronan Dantec, sénateur d’Europe Écologie Les Verts, a insisté : “Contrairement à la polémique que développent nos collègues de la droite sénatoriale nous ne sommes pas dans une proposition irresponsable. (…) La proposition de loi dit bien que l’État continuera d’assurer à ses frais une surveillance des atolls et punira toute activité de recherche à des fins militaires”.

Le député Lenoir s’est également opposé à la proposition sur le terrain juridique. “Il faut une loi organique. Il n’est pas possible juridiquement d’engager une procédure de rétrocession car il s’agit d’atolls relevant du domaine militaire. Les atolls font partie des installations nucléaires intéressant la Défense”, a-t-il défendu.

En ouverture des débats, Richard Tuheiava a surfé sur le mythe du Polynésien et de son environnement. À la tribune, le sénateur avait posé un caillou de Moruroa à ses côtés. “Si je vous l’offrais, le laisseriez-vous sous l’oreiller d’un être cher ?”, a-t-il interrogé le ministre. Richard Tuheiava a estimé que “les crimes environnementaux et sanitaires constituent des agissements à quelques millimètres d’un crime contre l’humanité”.

Inévitablement, la droite n’a pas manqué de rappeler que les essais nucléaires avaient eu lieu avec la droite ou la gauche au pouvoir. Le ministre de la Défense Gérard Longuet a, dès le début de son intervention, ciblé : “C’est sous la présidence de François Mitterrand qu’il y a eu le plus d’essais, 88”. Rappelant l’affaire du Rainbow Warrior, Ronan Dantec a souligné qu’“aujourd’hui, c’est la gauche unie qui porte cette proposition de loi. C’est aussi une résilience politique importante”, a-t-il conclu. Pour la résilience d’État, il faudra attendre un changement de majorité lors des prochaines législatives. La droite n’étant pas décidée à inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Les vétérans attendent que Sarkozy tienne sa promesse

Les conditions pour donner droit à indemnisation posées par le décret d’application de la loi Morin sur les victimes des essais nucléaires sont très restrictives.

Le constatant, en juillet dernier, dans une interview à La Dépêche de Tahiti, Nicolas Sarkozy s’était engagé à un nouveau décret avant la fin de l’année. Le président de la République indiquait : “Je comprends que les premiers résultats du Comité d’indemnisation aient pu décevoir les associations. La conclusion que j’en tire est simple : il faut adapter les conditions d’application géographique retenues dans l’actuelle version du décret, et éventuellement la liste des maladies radio-induites. Le ministre de la Défense va entamer une nouvelle concertation à ce sujet dans les semaines qui viennent, et un nouveau décret sera proposé avant la fin de cette année”.

Depuis silence radio. Les associations affirment n’être au courant de rien. Lors du débat au Sénat, Gérard Longuet a affirmé que le décret sera bien modifié. “Nous sommes en arbitrage interministériel”, a-t-il indiqué sans donner de dates. Les élections approchant.

Le décret pourrait donc bien ressortir du chapeau.

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