Ronan Dantec est intervenu en séance dans le cadre de l'examen du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux  et du projet de loi relatif au calendrier électoral, à l'élection des conseillers départementaux au scrutin binominal majoritaire et portant diverses dispositions de droit électoral.

(dossier législatif)

La video de l'intervention

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

 

Monsieur le Rapporteur,

 

Chers collègues,

 

Dans une démocratie, une réforme des modes de scrutin est toujours, par définition, un moment important. Le débat qui la précède est donc toujours riche d'enseignements sur la représentation que nous avons, à ce jour, de nos priorités de gouvernance. Il s'agit de débats qui balayent un champ large, et nous donnent une vision des enjeux qui vont de la défense de nos valeurs fondamentales à parfois des calculs plus boutiquiers, sur les rapports de force électoraux entre majorité et opposition.

 

La précédente réforme, durant le mandat du président Sarkozy, avait peu dit de nos valeurs communes, se concentrant justement sur des calculs bien précis, à travers cette invention du conseiller territorial, à la fois régional et départemental, qui, élu de son mini territoire, aurait peut-être bien pu aider la droite à conserver ou à reconquérir quelques régions et départements. Fort heureusement, le calcul aura été déjoué, mais nous ne pouvons qu'être atterrés de cette capacité qu'aura eue la précédente majorité à faire fi de ce qui fonctionnait bien – en l'occurrence le scrutin régional, parfaitement compris par les électeurs –, pour privilégier quelques calculs particuliers sur tout intérêt général.

 

Avec l'abrogation du conseiller territorial et le retour à l'ancien scrutin régional, la loi présentée aujourd'hui remet donc d'abord une procédure démocratique lisible pour le scrutin régional, c'était l'intérêt général, ce sera pour nous la principale raison de voter cette loi. Toutes les voix ne manqueront donc pas.

 

En termes de valeurs, cette loi est aussi une nouvelle étape de ce long, bien trop long chemin pour atteindre enfin la parité dans nos institutions. En imposant l'élection d'un couple homme – femme, ou pour mieux dire, d'un duo (le terme est peut-être plus approprié pour ne pas réveiller des nostalgies conservatrices qui s'expriment beaucoup actuellement)... En imposant donc ce duo, le législateur dit sa volonté de construire la parité dans de nouvelles instances, ce qui est une avancée, mais qui restera à confirmer demain dans les derniers bastions inégalitaires, si je regarde la droite de l'assemblée, tout à fait contradictoires sur ce point des démocraties modernes, que sont les assemblées parlementaires. C'était une idée creusée hier, le mode de scrutin binominal serait peut-être à généraliser au Parlement pour favoriser la parité.

 

Mais, Monsieur le Ministre, permettez-moi néanmoins de regretter qu'au-delà de ces avancées ou corrections réelles, la loi ne réponde pas à d'autres enjeux. Je ne reviens sur l'absence d'introduction d'une dose de proportionnelle dans le scrutin départemental, ma collègue Hélène Lipietz en a parlé avant moi. C'est évidemment très dommageable, mais nous ne désespérons pas que le débat de ces prochains jours nous offre quelques avancées sur ce point.

 

J'évoquerai surtout le scrutin d'intercommunalité où l'absence de scrutin direct nous fait clairement rater une étape. Si j'entends la difficulté posée par le calendrier, la volonté de respecter l'usage et donc de boucler l'examen de la loi, plus d'un an avant les élections municipales, nous pouvons penser que la proposition discutée aujourd'hui a déjà presque une loi de retard. Nous espérons en effet que la future loi sur la décentralisation confortera nettement les compétences des intercommunalités. Par conséquent, le simple fléchage sur les listes municipales des futurs conseillers communautaires ne correspond pas à l'importance que prend dans notre pays la communauté des communes, tout particulièrement les futures communautés métropolitaines qui sont annoncées aujourd'hui.

 

D'expérience, et c'est une expérience que nous sommes nombreux ici à partager, le mode de scrutin proposé, finalement assez peu modifié, aboutit à limiter, durant la campagne des élections municipales, le débat sur les grands choix qui seront faits par l'intercommunalité : généralement, seule la ville-centre, dont le maire est la plupart du temps aussi fléché pour en devenir le président, s'empare vraiment du débat d'agglomération. Il suffit pour s'en convaincre, de comparer les professions de foi des listes entre la ville-centre et les petites communes. Ce mode de scrutin renforce le sentiment dans les communes périphériques qu'elles seront souvent spectatrices des choix qui seront faits par le conseil communautaire. C'est une organisation du débat public initiée par le mode d'élection, qui aboutit à ce curieux paradoxe d'habitants de grandes agglomérations qui n'ont pas toujours le même sentiment d'appartenance politique au territoire. Le renforcement de l'intercommunalité doit donc aller de pair avec le renforcement du débat démocratique d'agglomération, ce qui ne sera possible que par un mode de scrutin direct. Vous connaissez, Monsieur le Ministre, l'attachement des écologistes sur ce point, et nous serons vigilants, lors du débat autour de la loi sur la décentralisation, aux précisions qui seront apportées pour qu'en 2020, le mode de scrutin corresponde aux compétences. J'ai bien noté, Monsieur le Ministre, votre propos sur le fait que le scrutin proposé cette année l'était, je cite : « à ce stade »...C'est un stade qu'il nous faudra donc dépasser.

 

Au vu des avancées actuelles du texte que vous présentez, Monsieur le Ministre, nous voterons ce projet de loi mais nous espérons sincèrement que le débat parlementaire et les amendements déposés permettent de l'améliorer pour un renforcement ambitieux de la démocratie locale.

 


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