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Ronan Dantec est fier de voir son initiative de 2011 sur la transparence de la réserve parlementaire faire boule de neige

Ci-dessous et en ligne ici, l'article de Charlotte ROTMAN dans libération:

Des élus EE-LV et PS ont mis en place des forums citoyens pour l'attribution des subventions.

Ils sont sur la réserve. Ceux qui sont vertueux en semblent presque honteux. Ils ne le clament pas sur tous les toits, disent qu'ils «ne veulent pas en faire des tonnes» ni apparaître comme des «donneurs de leçons» ou passer pour des «démagos». Signe de la gêne que les questions de transparence provoquent encore chez les politiques.

Mais voilà, ils sont quelques-uns, pour l'instant, à vouloir changer les conditions d'attribution de la réserve parlementaire, cette enveloppe de subventions destinées au financement de projets de collectivités ou d'associations. D'ordinaire, ce sont les députés et les sénateurs qui octroient ces sommes. Jusqu'à l'an dernier, cela se faisait dans l'opacité, à la discrétion de chacun. La loi transparence adoptée dans le sillage de l'affaire Cahuzac oblige à rendre publiques les bénéficiaires et les montants des subventions. Plusieurs élus ont décidé d'aller plus loin et de confier cette mission à d'autres. Certains ont rassemblé des commissions de citoyens. Sorte de jury populaire pour sortir la réserve de son placard.

Scouts. Quand elle a été élue en juin 2012, la députée Europe Ecologie-les Verts (EE-LV) de la Vienne, Véronique Massonneau, ne savait pas que la réserve existait. Comme tous ses collègues, elle a, cette année, 130 000 euros à distribuer - même si l'argent ne transite jamais directement par les élus. «Dans la circonscription, les gens le savent, ils viennent me voir quand ils ont un projet à monter. Je trouve que si cela passe par le député, ça brouille les rôles.» Début octobre, elle a rassemblé un «panel» de citoyens, représentatifs des différentes communes de sa circonscription. Ce jury, paritaire, comporte aussi trois bénéficiaires de la réserve. On y trouve la présidente d'une association caritative, une agricultrice, un chef d'entreprise, une metteure en scène, un président de club de plongée), un salarié victime de l'amiante. Le groupe s'est réuni, sans elle : «Je ne voulais pas les influencer» et a planché à partir d'une «feuille de route». Le jury a dû examiner les dossiers dont , additionnés, les montants atteignaient 343 835 euros, soit trois fois le budget à allouer. Certains projets n'ont pas été retenus, comme la création d'une piste de vélo cross, ou l'achat de matériel de cuisine pour les scouts. «Evidemment il faut arbitrer. C'est toujours délicat, on fait des mécontents.» L'avantage, pour l'élue, est de devenir extérieure à ce processus.

«La réserve pose problème, car son attribution est discrétionnaire, et peut alimenter le clientélisme. Si un tiers intervient dans l'attribution, si la décision devient collégiale, cela fait partie des bonnes pratiques, car les citoyens sont remis au cœur de la décision publique», estime Myriam Savy de Transparency International France, espérant que ces expérimentations se développent.

Chez EE-LV, Isabelle Attard, députée du Calvados a choisi, elle, des jurés tirés au sort. Sur son site, on peut trouver trace de l'intégralité du processus : fiche de candidature au jury citoyen, tirage au sort (le 13 juin à Bayeux) de 9 personnes, résultats par collèges (agriculture et pêche, artistes, association, éducation nationale, professions libérales, etc.). Le premier à imaginer une autre forme de distribution de cette cagnotte a été le sénateur EE-LV Ronan Dantec. «Ça rassure les communes qu'il y ait un cadre transparent, plutôt que d'avoir à aborder le sénateur, après un vin d'honneur pour négocier une rallonge», remarque-t-il.

Si les écolos ont été pionniers, au PS certains

s'y mettent aussi, conscients de la pression citoyenne pour une moralisation de la vie publique. «Le rôle du parlementaire n'est pas de distribuer de l'argent, sans, en plus, avoir à en justifier. Et sur quels critères ? Pourquoi ?», s'interroge la députée PS de Paris Fanélie Carrey-Conte. «Il y a toujours une suspicion autour de la réserve, je me suis dit : pourquoi ne pas faire évoluer les choses ?» rapporte Sébastien Pietrasanta, député socialiste des Hauts-de-Seine. Sa «commission citoyenne» mise en place à la rentrée dernière a étudié 120 dossiers. «Ils ont mis l'accent sur les droits des femmes, et la solidarité. Ils ont voté par exemple pour l'ouverture d'une section féminine de football américain, je n'aurais pas forcément fait ce choix...» Prudent, il ajoute : «J'ai voulu qu'on mène une expérience de démocratie participative, mais c'est une initiative individuelle ce n'est pas pour dire que les autres font dans le clientélisme.»

«Ancien régime». Même son de cloche chez Olivier Veran, député PS de l'Isère, «souvent interpellé sur la réserve, qui est très mal comprise». Il a rassemblé des responsables associatifs qui en avaient bénéficié l'an dernier et a délibéré avec eux. «Studieux». «Ce n'est pas un truc démago, c'est un outil, quelque chose de partagé, de collaboratif», dit l'élu qui reconduira l'expérience. Tout comme le socialiste Serge Bardy (Maine-et-Loire) pour qui la réserve avait des «relents de l'ancien régime», ou le radical de gauche Alain Tourret (Calvados) qui a validé les choix d'une commission composée cette fois d'élus : maires ou membres du conseil général, de droite ou de gauche. «C'est intéressant d'associer les citoyens à la prise de décision, et que ce ne soit pas une seule personne qui décide, juge Barbara Romagnan, députée du Doubs. Hostile au principe même de la réserve, et pionnière dans la transparence sur ces attributions, elle pense tout de même que c'est de sa responsabilité de distribuer cette encombrante enveloppe... En attendant sa suppression.

Charlotte ROTMAN