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CLÉMENT ROSSIGNOL, FRANÇOISE CHEVALLIER ET RONAN DANTEC (1)

A l'heure où notre société est en constante mutation et où les projets urbains se multiplient, la volonté de la Communauté urbaine de Bordeaux de dessiner son projet de 1 million d'habitants à l'horizon 2030 est une démarche bienvenue, qui acte la prise en compte du fait métropolitain que nous appelons de nos voeux.

Parallèlement à l'exercice prospectif bordelais, des collectivités, comme Lyon, Saint-Étienne, Bourgoin-Jallieu et Vienne d'une part, ou Nantes, Brest, Angers et Rennes d'autre part, ont délibéré sur un fonctionnement en pôle métropolitain, moins d'un an après sa création par les parlementaires. Nouvel objet institutionnel légué par la réforme territoriale, le pôle métropolitain est destiné à promouvoir la coopération en matière de développement économique, de coordination des infrastructures et des services de transport notamment.

C'est pour nous le sens de l'histoire : le développement des grandes agglomérations françaises ne saurait s'exonérer d'une réflexion plus large sur le devenir des villes et campagnes voisines. Les logiques de compétition, qui ont longtemps été néfastes à l'efficacité de l'action politique, doivent céder la place à des logiques de coopération et de contractualisation.

Pourtant, tandis que se posent avec acuité la question de l'étalement urbain et celle, concomitante, du devenir des espaces voisins, l'organisation institutionnelle et politique française demeure cloisonnée et fondée sur la compétition entre les territoires.

La constitution d'un pôle coopératif métropolitain bordelais serait de nature à répondre à une échelle pertinente à des réalités urbaines de plus en plus complexes. Comme le révèle une étude récente de l'Insee, les nouveaux espaces de projet dépassent ainsi largement les frontières administratives et reposent aujourd'hui sur des bassins de vie redessinés par les pratiques résidentielles et les mobilités quotidiennes.

En s'étendant de plus de 50 % en dix ans, l'aire urbaine de Bordeaux totalise déjà de fait le million d'habitants, soit un tiers de la population régionale. Au regard des enjeux en termes de développement économique, de logements ou de déplacements, penser la métropolisation sur un territoire allant du bassin d'Arcachon au Libournais, en passant par l'Entre-deux-Mers et le Médoc, prend alors tout son sens et peut se concevoir à une échelle géographique intégrant d'autres villes du Grand Sud-Ouest, hors Département ou Région, à l'image, par exemple, de Saintes, Bergerac, Agen ou Mont-de-Marsan. Il s'agit même d'un impératif pour que la métropole « ne capte pas tout » et ne soit pas synonyme d'un « assèchement » de la population et de l'emploi dans les villes moyennes et les campagnes environnantes.

Après le centralisme parisien dénoncé dans l'ouvrage de référence « Paris et le désert français » (2), soyons vigilants à ne pas organiser le développement des métropoles isolément des territoires, notamment ruraux, dans lesquels elles s'inscrivent. La concurrence entre territoires doit céder la place aux synergies et aux assemblages interterritoriaux inédits.

Penser coopération dans l'aménagement du territoire, c'est aussi mettre en œuvre l'un des fondements du développement durable : celui de se soucier de l'impact de nos propres décisions sur les autres territoires, qu'ils soient lointains ou proches.

(1) Respectivement vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux, conseillère de la Communauté du Grand Lyon et sénateur de la Loire-Atlantique. (2) « Paris et le désert Français », de Jean-François Gravier, éd. Flammarion, 1947.