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Article rédigé par <em>Hélène Bodenez*</em>, le <em>18 novembre 2011</em>
Ambiance électrique au Sénat pour la nouvelle mouture du texte encadrant le repos dominical. La gauche est à la manœuvre. À l’ordre du jour, une proposition de loi mise en discussion, post loi Mallié, cherchant à mettre fin à l’hypocrisie qui prévaut depuis 2009, celle de salariés volontaires malgré eux, sous la contrainte de mutation ou de licenciement. Tel est le constat sans appel de Ronan Kerdraon (PS – Sénateur Côtes d’Armor).
Interpellant la droite, Didier Guillaume (PS – Sénateur Drôme) résume bien en fin de discussion les intentions de ceux qui sont en amont du texte : Si une nouvelle majorité arrive aux affaires, ce ne sera pas pour détricoter vos lois, mais pour retisser du lien social et remettre de la justice. La droite a beau protester, il poursuit : Nous ne voulons pas interdire le travail du dimanche, mais empêcher qu’il ne devienne la règle. Il s’agit bien de cela, d’une légitime crainte, celle qu’avec les Puce et la loi Mallié, on ne promeuve la consommation le dimanche, pour généraliser ensuite le travail dominical quand les habitudes seront prises.
Patricia Schillinger (PS/EELV – Sénatrice du Haut-Rhin) de son côté remerciera ses collègues pour leur initiative, car le travail dominical menace la sphère familiale, spirituelle et associative. Il n’est pas la solution pour relancer la consommation et ne crée aucun emploi dans les grandes surfaces, qui menacent les commerces de proximité. Il devrait rester un repère social pour vivre décemment en société.
La gauche majoritaire remportera sans surprise les deux votes de l’après-midi houleux. La demande de renvoi du texte en commission déposée par Isabelle Debré, cherchant à temporiser, n’a pas réuni le nombre de voix suffisant. Pour mémoire, Isabelle Debré (UMP – sénatrice Paris) est l’auteur de l’amendement félon dit confokea , et la rapporteure (sic) au Sénat du texte de la loi Mallié.
À quoi joue donc Isabelle Debré en exigeant une parole de droit , donnant des leçons de règlement à la nouvelle majorité, affichant une prétention pénible quand elle croit utile de rappeler haut et fort à plusieurs reprises qu’elle a été la rapporteure heureuse de la loi Mallié, quand elle reconvoque tel quel l’imparable et si bel argument des achats en famille le dimanche : Les achats en famille, qui ne sont pas faits le dimanche, ne sont pas reportés en semaine. Il y a un manque à gagner pour le commerce. Se prévaloir d’un hémicycle comble en 2009, de discussions ayant duré alors deux jours, défendre un ministre, en l’occurrence Xavier Bertrand (UMP), qui ne serait pas assez grand pour se défendre tout seul, pousser maladroitement le rapport Méhaignerie distribué sur le fil le matin même et relayé par <em>La Croix</em> ; rien n’arrive à trouver son but, tant la bonne foi manque et la mise en avant de soi-même fait obstacle.
Doit-on rappeler que l’hémicycle dont parle Isabelle Debré était, lors du vote de 2009 auquel elle fait référence, bien plus clairsemé qu’en ce 16 novembre 2011, puisque la procédure accélérée déclenchée par le Gouvernement a abouti à une loi votée de nuit au Sénat à quelques voix près ! De fait, comme l’a dit Mme Nicole Borvo Cohen-Seat (PS – sénatrice de Paris), il y avait bien une certaine hargne de nos collègues de droite, qui ont multiplié les attaques <em>ad hominem</em>, l’agitation et l’agressivité, comme si nous étions dans un <em>meeting</em> de l’UMP.
Dogmatique , conservateur , caricature , formidable retour en arrière , les mots négatifs ont fusé pendant quatre heures de discussion en direction d’une gauche communiste, depuis longtemps discréditée, à qui l’on refusait définitivement de pouvoir défendre l’homme qui travaille, l’accusant de faire matin, midi et soir… de l’antisarkozysme.
<strong>Défendre la liberté de travailler le dimanche, c’est défendre le renard libre dans le poulailler libre</strong>
Clou de l’après-midi, l’intervention de Mme Procaccia (UMP – Sénatrice du Val-de-Marne) présentant une motion et donnant la ville de Moscou comme modèle où tout est ouvert sept jours sur sept et souvent 24 heures sur 24. Les lobbies devraient se souvenir d’une telle ambassadrice ! Comme d’ailleurs, ils devraient se souvenir de la ministre des Sports Chantal Jouanno (UMP – Sénatrice de Paris) volant au secours du secrétaire d’État au Commerce extérieur Pierre Lellouche et de son comité : Le préfet de Paris a proposé des ouvertures dominicales boulevard Haussmann par exemple. L’ouverture le dimanche des Galeries Lafayette créerait deux mille emplois, notamment pour les étudiants.
Il y eut également l’intervention de Muguette Dini (Union centriste – Sénatrice du Rhône): Les termes de la proposition de loi me posent problème. Quoi qu’on pense, le repos dominical est associé à la messe du dimanche… Et on y va de moins en moins… Le repos hebdomadaire est une notion plus adaptée à notre temps. Le travail du dimanche peut être intéressant pour l’organisation de la vie familiale, pour les parents divorcés dont le conjoint garde les enfants. Et il y a d’autres exemples. Argument bien dangereux que celui-là, que le repos hebdomadaire obligatoire donné n’importe quel jour, que chacun choisit à son gré, à la carte, non plus le dimanche ! Plus de jour commun pour faire société.
Mais heureusement, il y eut une fois encore l’humour de François Fortassin (RDSE – Sénateur Hautes-Pyrénées) ironisant sur les turbulences du Sénat. Défendre la liberté de travailler le dimanche, c’est défendre le renard libre dans le poulailler libre. Et d’opposer facétieusement une fin de non-recevoir aux tenants du travail le dimanche : Certains salariés du dimanche ne sont pas mieux payés qu’en semaine. Gardons un peu de mesure, nous sommes tous responsables ; l’État ne réussit pas à imposer les gardes dans certains déserts médicaux, mais il protège sans problème les vendeurs de casseroles. François Fortassin veut bien admettre qu’il y ait des arguments valables des deux côtés mais choisit son camp, d’être toujours du côté des travailleurs, qui sont trop souvent maltraités.
La nouvelle majorité au Sénat ne s’en laissera pas conter. C’est sûr. Donnons le mot de la fin à Ronan Dantec (EELV – Sénateur Loire-Atlantique) qui ne mâche pas ses mots : « Travailler plus pour gagner plus » est un slogan obsolète, mais nombre de salariés s’en souviennent comme d’une tromperie politique.
Une question se pose désormais. Comment interpréter le retour sur le devant de la scène politique du texte sur l’encadrement du repos dominical qui est venu en discussion ? Coup d’épée dans l’eau , grandes manœuvres en vue d’une Assemblée possiblement renouvelée ? Les sénatrices Isabelle Pasquier et Annie David (CRC – Sénatrices Bouches-du-Rhône, Isère) à l’initiative et rapporteur de la proposition de loi ne manquent pas de courage politique.