Source : Le Figaro-environnement 09/12/2010
Agacée, Martha Delgado brandit son badge jaune: la couleur réservée aux observateurs mais pas aux négociateurs qui discutent depuis plus de dix jours à Cancun sur les moyens de lutter contre le changement climatique. «Vous vous rendez compte que les villes qui concentrent plus de la moitié de la population mondiale ne sont pas partie prenante au processus de négociations», s’enflamme l’adjointe au maire de Mexico, responsable des questions d’environnement. Un objectif auquel travaille Ronan Dantec, en charge des négociations sur le climat au sein de l’UCLG (Union internationale des villes et des gouvernements locaux) avec l’espoir que les villes soient reconnues comme interlocutrices dans les textes officiels de la conférence onusienne.
Les arguments ne manquent pas: les villes représentent plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, en raison principalement du transport et de l’habitat. Les 50 villes les plus grandes du monde regroupent à elles seules près de 500 millions d’habitants. Elles sont le troisième plus gros émetteur après les États-Unis et la Chine. «En Europe, la moitié des émissions sont liées à la vie quotidienne. Or, on passe des heures dans les négociations sur les émissions du transport maritime ou sur la nécessité de développer la capture et le stockage du carbone alors que ces enjeux offrent beaucoup moins de perspective de réduction des émissions de CO2 qu’une politique de la ville bien faite», assure celui qui est également adjoint au maire de la ville de Nantes, désignée capitale verte de l’Europe pour 2013.
L’intérêt pour les villes d’intégrer le processus de négociation, c’est de pouvoir avoir accès aux financements mis en place par l’ONU. Et notamment les 100 milliards de dollars annuels promis l’an dernier à Copenhague par les pays industrialisés, à partir de 2020, pour aider les pays les plus pauvres.
«Si les villes veulent intégrer le processus, il faudra qu’elles fassent un vrai travail technique et qu’elles apportent des solutions concrètes», rappelle pour sa part Benoît Lefèvre, en charge des villes au sein de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). «Au sommet des maires lors du sommet de Copenhague l’an dernier, elles ont toutes annoncé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre alors que quasiment aucune d’entre elles n’avait testé les solutions.»
Un premier pas a été fait dans ce sens en novembre dernier avec la création d’un registre climat qui doit apporter de la transparence. Les villes devront dire comment elles font leur calcul de leurs émissions, ce qu’elles prennent en compte, sur quel territoire… En mars dernier, la Banque mondiale et l’ONU ont de leur côté proposé un standard commun pour effectuer les calculs.
Beaucoup de villes se sont engagées dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. «New York, Mexico, Amman ou encore Sao Paulo agissent déjà contre le changement climatique sans attendre un éventuel accord international», précise Andrew Steer, en charge du climat à la Banque mondiale. Copenhague se fixe comme objectif d’être neutre en carbone en 2020.
«Dans la ville de Mexico, 70% des émissions de CO2 sont liés au transport et aux 4,5 millions d’automobiles», explique Martha Delgado. Depuis quelques années, la cité a investi dans le métro et les bus rapides. Elle a renouvelé toute sa flotte de taxis. «Nous sommes même la première ville d’Amérique centrale à avoir installé des vélibs.» En 1991, Mexico ne pouvait afficher que huit jours avec de l’air de bonne qualité. «Cette année il y en aura 195», précise l’adjointe au maire de Mexico. C’est aussi l’avantage de telles politiques: la lutte contre les gaz à effet de serre a également des effets indirects, notamment sur la santé. Un argument que Ronan Dantec n’oublie pas d’ajouter.