Quand EE-LV joue la carte du lobbying discret à Durban
Si les leaders de l’écologie politique française ne sont pas au rendez-vous annuel de la lutte contre le réchauffement climatique, des élus s’activent en coulisses. Avec détermination.
Par LAURE NOUALHAT, Libération, envoyée spéciale à Durban (Afrique du Sud)
Il y a une semaine, Jean-Pierre Elkabbach s’est amusé à égratigner le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé en soupçonnant les Verts français d’indifférence vis-à-vis des négociations climatiques qui se déroulent en ce moment à Durban. Pourquoi les têtes d’affiche du groupe EE-LV ne se trouvent-elles pas en Afrique du sud? Ne s’occupent-elles donc plus des gros dossiers de fond comme le changement climatique?
Jean-Vincent Placé aurait pu gentiment renvoyer l’intervieweur matinal dans les cordes. Il a préféré se mettre en rogne. Dommage, il aurait pu donner un cours de négociations climatiques à Elkabbach, et lui expliquer qu’un représentant politique du parti écologiste français ne servirait pas à grand chose ici. «A part rassurer un journaliste français, il n’y aurait aucun intérêt pour une Cécile Duflot ou une Eva Joly de parader ici», ajoute un parlementaire européen.
Ici, c’est l’ONU. On discute entre délégués de 194 pays. La France assure une présence parlementaire (deux sénateurs Laurence Rossignol et Jean-Claude Lenoir) et ministérielle, mais aucune formation politique n’est officiellement représentée. Par ailleurs, la France ne peut pas se permettre de grandes envolées lyriques, ni la jouer «perso». Les 27 pays de l’Union européenne parlent sous couvert du mandat de la Commission européenne. Même le discours de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, prononcé ce matin lors de conférence plénière, est resté dans les clous de ce mandat européen. En substance: qu’elle s’engage ou non dans une seconde phase du Protocole de Kyoto, l’UE réalisera les efforts de réduction d’émissions qu’elle a promis, à savoir -20% en 2020.
«Pas une balade pour faire la photo»
Cela dit, ce qu’aurait dû savoir Jean-Vincent Placé, c’est que deux élus EE-LV français jouent les lobbyistes à Durban: Sandrine Bélier, députée du Parlement européen, et Ronan Dantec, sénateur EE-LV de la Loire-Atlantique. La première fait partie de la délégation complémentaire des parlementaires européens, la délégation officielle étant limitée à 12 députés (dont Corinne Lepage, autre écolo notoire française, fait partie). «Figurer dans la délégation complémentaire signifie que nos frais ne sont pas pris en charge, explique Bélier, mais nous avons les mêmes accréditations. J’ai donc pu échanger avec des parlementaires sud-africains, mexicains, japonais, rencontrer des jeunes écologistes, des ONG, des délégués étrangers, des négociateurs… » Elle s’en explique à Libération:
Quant à Ronan Dantec, il se définit comme «le plombier des villes mondiales». Son organisation, United cities local gouvernments, vise à négocier la reconnaissance formelle et technique des villes dans le grand meccano mondial du climat. «Je ne suis pas ici en tant que Vert français mais en tant qu’acteur des négociations. Que ferait un Vert français ici, de toute façon? Les négociations climatiques, ce n’est pas une balade pour faire la photo.» Son job se résume à deux mots: «Le speed-dating et facebook: d’un côté, je cours partout pour rencontrer les délégations du monde entier, et comme il y a 194 pays, ça fait du monde. De l’autre, je demande à chaque pays d’être mon ami, en clair, de déposer des amendements pour nous, les villes mondiales.»
Certes, les leaders écolos français n’ont pas jugé bon de venir à Durban, mais c’est le cas dans tous les pays. Les chefs d’Etat non plus n’ont pas daigné se rendre au chevet de la planète. Ce n’est pas l’enjeu du moment. «Si nous étions venus en force, on nous aurait sûrement accusés d’émettre du CO2 pour rien», conclut Dantec.