9 propositions avancées par le collectif transpartisan du Sénat, le collectif sénatorial "urgence climatique" (70 sénatrices et sénateurs de toutes sensibilités politiques) comme priorités immédiates pour répondre au défi climatique.

Ces propositions ont été élaborées collectivement par les sénatrices et sénateurs et font l'objet d'une présentation lors du colloque "Action climatique : Quelles priorités de politiques publiques ?" en présence du collectif de l'Assemblée nationale "Accélérons la transition écologique et solidaire".

La dernière table ronde à 17h est l'occasion de discuter de la complémentarité, des échanges possibles entre les différentes initiatives: les deux collectifs transpartisans, le pacte écologique et social représenté par le RAC, et le Haut Conseil pour le Climat, représenté par sa présidente.

9 Priorités de politiques publiques pour répondre au défi climatique

Face aux évolutions catastrophiques du climat terrestre et aux prévisions chaque jour plus pessimistes de la communauté scientifique, nos sociétés ne peuvent se résigner à ne répondre qu’aux enjeux de court terme. Dans un moment de crise sociale aussi exacerbée que celle des « gilets jaunes », il est symbolique que la pétition « l’affaire du siècle » ait réunie plus de 2 millions de signatures, et on aura pu noter que nombre de « porte-paroles » des gilets jaunes ont tenu à souligner que leur mobilisation ne devait pas être perçue comme une opposition à l’action climatique.
Le Grand Débat National doit dessiner les contours d’un nouveau contrat social, qui réponde aux enjeux de redistribution et de protection sociale, mais aussi aux exigences d’une action résolue sur les grands enjeux climatiques et environnementaux. Aussi deux rassemblements parlementaires transcourants ont été créés, « Accélérons la transition écologique et solidaire » à l’Assemblée nationale et le collectif sénatorial « urgence climatique », pour dépasser les clivages sur ce sujets essentiels.

Les sénatrices et sénateurs réunis au sein du collectif « urgence climatique » portent dans le débat les mesures exposées ci-dessous, des mesures opérationnelles, de nature à réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. Nous savons en effet que si la France elle-même n’arrive pas à respecter les engagements pris dans l’Accord de Paris, alors il est illusoire d’imaginer des dynamiques mondiales nous permettant de stabiliser le climat sous les 2° d’augmentation des températures. Sans être exhaustif, ces propositions nous semblent aujourd’hui s’inscrire comme des priorités de politiques publiques, pouvant être rapidement mises en œuvre.

A-Mettre les collectivités territoriales et leurs groupements au cœur de l’action.

Malgré l’ambition de la loi relative à la transition énergétique et pour la croissance verte de 2015, avec des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) obligatoires pour toutes les intercommunalités (en cohérence avec les engagements internationaux de la France), et leur articulation avec le volet climat des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), les politiques climatiques territoriales tardent à se déployer en France. Or ce sont ces plans et les actions qu’ils prévoient qui permettent d’agir sur le quotidien des Français (mobilité, logement, alimentation...) et donc sur la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre.
Les retards accumulés dans le déploiement des politiques nationales, comme sur la rénovation thermique du logement, s’expliquent tout particulièrement par la faiblesse des animations territoriales de la compétence des collectivités mais qu’elles n’arrivent pas aujourd’hui à mettre en œuvre, notamment pour des raisons de financement.

Aussi nous demandons :

1-la mise en place d’une dotation financière d’accompagnement des collectivités territoriales qui mettent en œuvre leurs Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Demandé unanimement par tous les réseaux de collectivités territoriales (AMF, France urbaine, ADCF, Régions de France...), le principe de cette dotation, financée par une part de la contribution climat énergie (CCE), a été voté à plusieurs reprises par le Sénat lors des débats sur les projets de lois de finances, mais le gouvernement n’y a pour l’instant pas donné suite. Il faut maintenant engager la discussion sur les conditions de sa mise en œuvre.

2-le déplafonnement du seuil de 1.2 % pour les dépenses supplémentaires de fonctionnement des collectivités territoriales nécessaires pour engager leurs actions climatiques (animation territoriale, mobilité...)

3-le financement du service public de l'Efficacité Énergétique (SPEE), porté par les régions, sans lequel, il est illusoire de penser mener une politique ambitieuse de rénovation du parc de logements anciens.

B-Une politique volontariste sur le logement.

Si nous notons aujourd’hui des investissements importants sur le parc HLM (mais limités par les fonds propres des offices), l’échec de la politique de rénovation des passoires thermiques privées est manifeste, alors qu’un quart des émissions des gaz à effet de serre sont liées au logement. En plus de la mise en œuvre urgente du SPEE nous proposons donc :

4-la mise en œuvre, par le tiers financement, d’un mécanisme de prêts bancaires permettant de financer la rénovation thermique de leurs logements (en privilégiant les rénovations globales) pour des ménages souvent déjà au plafond d’endettement (seulement 30 000 éco-prêts à taux zéro en 2018...pour un objectif de 500 000 logements rénovés par an)

5-l’instauration, dans un délai à préciser, d’un plafonnement des loyers sous les 20% du prix moyen de location au m2 (mesuré par les observatoires locaux des loyers) pour les logements étiquetés F ou G sur un secteur géographique donné.

C-L’avenir de la fiscalité carbone?

6-La contribution climat énergie (CCE) avait le double objectif d’inciter à la modification des comportements, en taxant plus ceux qui émettent du CO2, et à fournir une recette supplémentaire pour l’Etat. C’est aujourd’hui un outil efficace et parfaitement accepté dans nombre de pays (Suède, Suisse, Canada). La crise des « gilets jaunes » a souligné qu’une taxation incomprise dans son affectation et injuste socialement n’était pas acceptable. La CCE est aujourd’hui bloquée en France au niveau de 2018, la reprise de sa trajectoire n’est possible que dans le cadre d’un contrat collectif clair. Son fléchage vers la transition énergétique et climatique doit précéder le dégel de la trajectoire carbone. Nous proposons donc de mettre au débat une reprise de la trajectoire carbone, sur la base de la trajectoire votée par le Sénat en 2015, en étant très clair sur l’affectation totale de la recette supplémentaire à la transition énergétique (dotation des collectivités territoriales, accompagnement des ménages modestes...). Nous insistons sur le fait qu’il ne peut y avoir reprise de la trajectoire avant des engagements précis et chiffrés de l’Etat pour qu’elle s’inscrive comme un outil de justice fiscale. Pour rétablir la confiance, dès 2019, une part des 8 milliards de recette actuelle de la CCE devra être fléchée sur des financements supplémentaires pour la transition énergétique.

D-L’équité dans le domaine des transports

La nécessaire équité des taxations « carbone » des mobilités est très présente dans le débat public. La mise en avant des contraintes de législation mondiale ou européenne, les risques de perte de compétitivité pour la France, ne peuvent suffire à justifier l’immobilisme en la matière, surtout que nous savons nécessaire la création de nouvelles recettes pour financer les infrastructures « climato-compatibles ».

7-l’indexation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dite « taxe Chirac », sur le prix de la contribution climat énergie.

8-la taxation du transport routier international traversant la France (sans mésestimer la difficulté à trouver un mécanisme efficient).

9-l’interdiction, dans un délai aussi court que possible, de l’usage des moteurs diesels pour les bateaux à quai, tout particulièrement les paquebots.

Nous proposons en conséquence :

La mise en œuvre rapide de ces 9 mesures pour modifier en profondeur la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre en France tout en contribuant au renforcement des solidarités et à l’aménagement du territoire. Il nous faut aujourd’hui changer d’échelle dans l’action, le grand débat national nous en offre l’opportunité.