Communiqué de presse de Ronan Dantec faisant suite au report de la fermeture de la centrale thermique de Cordemais qui doit être vu comme l'occasion d'une remise à plat des stratégies énergétiques du grand-ouest et permettre de réorienter les investissements pour structurer plusieurs filières d'avenir.

Le report de la fermeture de Cordemais peut être une opportunité pour l’action climatique

Prévisible au vu du retard pris dans l’engagement des travaux de la centrale à gaz de Landivisiau, et de ce fait préconisé par RTE au nom de la sécurité du réseau, le report de la fermeture des tranches à charbon de la centrale de Cordemais doit être appréhendé comme l’occasion d’une remise à plat des stratégies énergétiques du grand-ouest.

Sans même entrer dans le débat sur la question de la production électrique de l’EPR de Flamanville, non-sens écologique et économique sur lequel ma position est connue, ce report doit nous donner le temps de réorienter les investissements et de structurer plusieurs filières d’avenir.

Le premier enjeu est de remettre en cause le projet dispendieux de centrale gaz à Landivisiau dont le cout d’exploitation (40 millions d’euros par an de dotation de l’Etat...) est aberrant et dont les émissions de CO2 s’étaleront pendant au moins 20 ans. Il vaut bien mieux, pour le climat, exploiter la centrale de Cordemais sur un faible nombre d’heures supplémentaires pendant quelques années, afin de faire la jonction avec le développement des renouvelables (les parcs éoliens offshores et les nouvelles connections européennes comme le câble irlandais qui reliera l’Irlande à la pointe bretonne) que de construire une nouvelle centrale gaz à amortir dans la durée. Alors que le Président de la République avait insisté, lors de la COP23, sur son refus de toute construction de nouvelle centrale thermique, l’Etat doit engager avec Total, nouveau propriétaire du site, l’abandon du projet, c’est son intérêt, économique et écologique.

Si la sortie au plus vite de la production électrique à partir du charbon ne peut faire débat, les quelques années supplémentaires de production à Cordemais doivent permettre de mettre au point et de structurer une filière de valorisation des biomasses inutilisables directement dans les réseaux de chaleur.

A ce stade, je ne peux que regretter la teneur prise par le débat qui entoure le report de la fermeture de cette centrale, débat trop caricatural où les postures semblent prendre le pas sur une analyse technique sérieuse, y compris sur les enjeux climatiques.

Le projet ECOCOMBUST, porté par EDF, soutenu par les salariés du site et les élus locaux ne vise pas à faire de Cordemais un deuxième Gardanne, une méga centrale électrique à base de bois de coupe, dont l’absurdité écologique a été plusieurs fois démontré. Il s’agit ici de valoriser des déchets de bois, notamment des bois dits de « Classe B » (bois de construction, meubles, etc...) dans une filière de recyclage aujourd’hui en manque de débouchés. Les stocks de bois récupérés sont tels que d’importants volumes partent en décharge, les professionnels insistent sur un manque criant de chaufferies pour répondre à cette production de déchets. Par ailleurs, une caractéristique du bois de classe B est que dans la majorité des cas, il doit être dépollué avant incinération ou brûlé dans des chaudières équipées de filtres. La structuration de la filière nécessite donc des équipements industriels permettant de transformer les bois récupérés en pellets de bois utilisables dans des chaufferies non équipées de filtres. C’est aussi le cas pour certains déchets verts, récupérés en grande quantité dans les déchèteries et inutilisables sans conditionnement dans les chaufferies (petits branchages par exemple).

Aussi, si le procédé industriel expérimenté à Cordemais montre son efficacité en terme de dépollution (en produisant des pellets grâce à la chaleur fatale perdue lors de la production d’électricité), c’est un cercle vertueux qui peut se mettre en place :

  • Maintien d’une production électrique d’appoint assurant la sécurisation d’un réseau adossé aux productions renouvelables de l’Ouest (notamment l’éolien Offshore), et participant ainsi de la réduction de la part du nucléaire.
  • Fin du gaspillage insensé d’au moins 1,3 millions de tonnes de bois de classe B enfouies (rapport ADEME: « la valorisation énergétique est plus apte que le recyclage à consommer une plus grande part du gisement de déchets de bois particulièrement ceux actuellement destinés à l‘enfouissement »).
  • Participation au développement des chaufferies et réseaux de chaleur par la production de pellets utilisables directement.
  • Développement d’une filière industrielle française pouvant permettre à d’autres pays disposant encore de centrales à charbon, de remplacer ce combustible par du bois de récupération.

Plusieurs étapes doivent être encore confirmées :

  • La démonstration que le procédé de fabrication des pellets de bois entraine bien la dépollution du bois de classe B (métaux lourds, solvants, etc.).
  • La réalisation d’une étude précise sur les gisements disponibles.
  • Un cout de production rationnel.

En regard de ces intérêts possibles, notamment la baisse des émissions de C02 dans d’autres pays qui aujourd’hui valorisent très peu leurs déchets bois, ne pas se donner le temps d’une expérimentation solide serait incompréhensible d’un point de vue climatique. D’un point de vue quantitatif, ce n’est pas sur le charbon de Cordemais que va se jouer la capacité de la France à tenir ses engagements internationaux, mais bien sur l’accélération de la transition climatique dans les domaines-clés en terme d’émissions que sont les transports et le logement. Il n’empêche que le symbole est important au niveau international, que le gouvernement doit donc confirmer la fermeture des autres centrales à charbon, et conditionner son soutien à l’avenir du site de Cordemais au succès de l’expérimentation Ecocombust, ce qui signifie aussi l’engagement résolu d’EDF sur ce dossier.

L’agence de la lutte contre le changement climatique ne nous laisse pas le temps des postures. Seul un travail collectif et totalement transparent peut permettre d’accélérer cette transition énergétique et climatique que nous défendons, ce dossier peut en être une incarnation.

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