Dans une intervention cette semaine au nom du groupe écologiste du Sénat,Ronan Dantec a interpelé le Ministre Jean-Michel Baylet sur le renoncement supposé du gouvernement à la mise en place du suffrage universel direct dans les métropoles dès 2020, suite à une annonce qu'il avait faite fin septembre. Sa réponse est finalement plus nuancée que ce qui était ressorti de ses propos tenus fin septembre. Il indique vouloir concerter les élus locaux concernés le 2 novembre prochain et qu'aucune décision n'est encore prise. On peut tout de même remarquer que le simple fait de dire qu'aucune décision n'est prise s'apparente à une reculade puisque la loi MAPAM de 2014 actait ce mode de scrutin.

Ci-dessous son intervention devant le Sénat et la réponse du Ministre :

Monsieur le président,

Monsieur le Ministre,

Madame la présidente,

Monsieur le rapporteur,

Mes chers collègues,

Cette proposition de loi complète le dispositif de la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle qui a offert des perspectives intéressantes aux communes souhaitant se regrouper. Il s’agit de favoriser les regroupements volontaires et ce type de démarches va donc dans le bon sens. En effet, le nombre sans égal de communes dans notre pays ainsi que le mille-feuilles des échelons de collectivités locales et d’établissements publics locaux contribuent à la perte de lisibilité des institutions et amoindrissent l’efficacité de l’action publique locale.

Le Sénat a en outre maintenu les modifications adoptées à l’Assemblée nationale. Ce texte fait donc l’objet d’un assentiment assez large. Et le groupe écologiste, comme en première lecture, le soutiendra dans sa philosophie générale même si sur certains points, comme le respect de la parité, nous serions peut-être plus sourcilleux. Et je rejoins en partie les propos de notre collègue Pierre-Yves Collombat : nous ne serons pas parvenus à avancer suffisamment sur le statut de l’élu durant ce mandat.

Réduire le nombre de communes en France est cependant un exercice long : il a commencé il y a quarante-cinq ans, et seules 266 communes nouvelles ont été créées en 2015 pour un total de 950 communes regroupées, permettant de passer sous le seuil symbolique des 36000 communes avec 35 885 communes recensées au 1er janvier 2016. Le bilan reste encore maigre, puisque notre pays comptait 37 708 communes en 1968, soit une diminution de moins de 5 % en 50 ans. Notons quand même un frémissement, sans doute lié à la carotte financière aux communes qui fusionnent. C’est notamment le cas dans l’ouest en Loire-Atlantique et dans le Maine et Loire, où pour la première fois depuis 1532, date du rattachement de la Bretagne à la France, on observe que des communes changent de département, quittent l'Anjou pour la Bretagne, et réciproquement.

La commune est l’institution républicaine de proximité par excellence. C’est un échelon précieux, où peut encore s’exprimer au mieux la démocratie locale, avec un enjeu fort dans le maintien et le renforcement du lien social entre habitants du territoire. Les habitants de notre pays sont très attachés à leur commune, et cet attachement peut être perçu comme une volonté de maintenir une présence des institutions républicaines au plus près des citoyens…

Les écologistes ne souhaitent donc pas la disparition des communes. Mais en défendant les communes, anciennes et nouvelles, c’est le sens des lois du type de celle que nous examinons aujourd’hui – et ce n’est quand même pas tous les jours que nous votons une loi proposée par Mr Sido – il ne s’agit pas de s’inscrire – en creux – en opposition aux intercommunalités. Les écologistes reconnaissent le fait intercommunal et soutiennent le renforcement des intercommunalités, l’échelle du bassin de vie étant la plus cohérente pour organiser la plupart des politiques publiques. L’urbanisme, l’habitat, les transports, les équipements sportifs et culturels font ainsi de toute évidence partie de ces politiques qui gagnent à être exercées à l’échelle des intercommunalités.

Or, et nous en avons déjà beaucoup débattu dans cette enceinte, nous devons aller plus loin sur le plan démocratique et passer à une élection au suffrage universel direct des élus des intercommunalités, idée dont je ne méconnais pas le soutien fort qu’elle recueille au Sénat. Au fil des ans, les conseils communautaires ont vu leurs missions augmenter, et ces EPCI concentrent désormais un nombre important de compétences. Mais le code électoral actuel ne permet pas une légitimité suffisante au vu de l’importance de cet échelon territorial. Il est primordial que les citoyens désignent leurs représentants de manière directe et démocratique. Les dernières élections municipales ont encore montré les lacunes du débat communautaire, souvent quasi absent des campagnes, en-dehors de la commune centre, alors même qu’il constitue l’enjeu principal pour la vie de nos concitoyens. Ceci devrait nous interpeler car il y a là une inégalité entre les habitants de la commune centre et ceux des autres communes.

J’ajoute que le système actuel de désignation des représentants dans les conseils communautaires échappe à toute règle concernant la parité femmes – hommes. A titre d’exemple, le Conseil de la Métropole du Grand Paris est composé de 149 hommes et de 60 femmes. Son exécutif comprend plus de 85% d’hommes. Il y a là une anomalie grave pour nos démocraties locales.

La loi MAPAM prévoyait non seulement que les conseillers métropolitains seraient élus au suffrage universel direct aux élections de 2020 (article 54), mais également son article 48 indiquait qu’un rapport du gouvernement devait être remis au Parlement sur le déroulement de l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires de 2014, autrement dit sur le bilan des élections municipales avec fléchage des conseillers communautaires. Et je cite cet article 48, ce rapport devait étudier « notamment l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de conseiller communautaire. »

Monsieur le Ministre, vous avez annoncé fin septembre que votre gouvernement renonçait à la mise en œuvre du suffrage direct dans les métropoles pour 2020. Vous décidez donc de revenir sur le fruit de d’un nombre incalculable d’heures de débats sur ce sujet, au Parlement, et entre le Parlement et le gouvernement, qui avaient abouti à une décision que nous considérons comme nettement insuffisante, mais qui avait au moins le mérite de continuer à progresser sur le sujet. Aussi, le groupe écologiste aimerait comprendre les raisons profondes de ce revirement. Nous souhaitons également connaitre la date de remise du rapport prévu à l’article 48. Nous l’attendons depuis septembre 2014 je le précise. Et il nous semble que le respect du Parlement, et en particulier du Sénat, en tant que chambre représentant les collectivités, passe par le respect de la loi et donc par la remise de ce rapport, Monsieur le Ministre.

Voilà le message que je voulais passer aujourd’hui. Mais le groupe écologiste est favorable au contenu même de ce texte et soutiendra donc cette proposition de loi.

Je vous remercie.

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Réponse de M. Jean-Michel Baylet, ministre (extraits) :

Monsieur Dantec, contrairement à ce que vous avez affirmé, je n'ai jamais annoncé que le Gouvernement avait décidé de supprimer l'élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct. J'ai simplement constaté une grande diversité des opinions parmi les intéressés. Lors d'un colloque organisé par France urbaine à la mairie de Paris, j'ai donc demandé au président de cette association de bien vouloir consulter l'ensemble des présidents de métropole, ce qu'il a fait. Avec Bernard Cazeneuve, j'ai ensuite invité ces derniers –je parle sous le contrôle du président de la métropole d'Aix-Marseille-Provence – à venir me rencontrer au ministère, le 2 novembre prochain, afin qu'ils me donnent leur avis sur l'article de la loi MAPTAM relatif à l'élection au suffrage universel des conseillers métropolitains.

Soyez donc rassuré, monsieur Dantec : aucune décision n'est prise. Il me semble légitime que le ministre chargé des collectivités territoriales tienne compte de l'avis des élus concernés. Nous voulons non pas leur imposer notre volonté, mais créer les conditions d'une mise en œuvre harmonieuse.

 

 

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