"Les ordonnances ne répondront pas à tout, mais les exigences de transparence, de dialogue, de contre-expertise d'approche globale des projets sont au cœur d'un débat public apaisé dont nous avons tous besoin aujourd'hui."
Ronan Dantec était chef de file pour le groupe RDSE, il s'est satisfait de l'adoption définitive de deux de ses amendements préconisés par la commission d'enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité dont il était rapporteur. L'un vise à rendre obligatoire, pour tous les projets, une réponse écrite du maître d'ouvrage à l'avis formulé par l'autorité environnementale, et l'autre permet d'analyser l'impact sur le foncier agricole des projets d'infrastructures et de leurs mesures d'évitement, de réduction et de compensation.

Ci-après le texte de son intervention.

"Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les deux ordonnances qu'il nous est aujourd'hui proposé de ratifier s'inscrivent dans ce long chantier de modernisation du droit de l'environnement engagé sous la précédente mandature. Nous partageons tous, je crois, la volonté de faire progresser l'évaluation environnementale et la participation du public dans les procédures, conditions indispensables à des débats apaisés. Nous sommes effectivement conscients des difficultés éprouvées dans la conduite des projets en France. L'actualité vient régulièrement nous le montrer : des mobilisations, voire des affrontements ont accompagné – j'en parle maintenant au passé – certains grands projets d'aménagement, avec des risques réels de drames humains. À cela s'ajoutent les dénonciations constantes, de colloque en colloque, de certains blocages, par exemple dans le secteur de l'éolien.

Les grands aménageurs et les associations de protection de l'environnement ont donc aujourd'hui un intérêt commun : trouver des réponses aux blocages à travers des processus d'évaluation globale des projets et des débats publics parfaitement transparents. Je tiens d'ailleurs à souligner l'engagement du secrétaire d'État sur la question particulière de l'éolien et la volonté de simplification dans ce domaine. Parce que la France accumule, de ce fait, un retard certain dans la transition énergétique, c'était un chantier essentiel à conduire.

Je veux, moi aussi, saluer l'important travail de concertation réalisé en amont du texte que nous discutons aujourd'hui, dans le cadre des groupes de travail présidés par notre collègue Alain Richard, mais aussi par Jacques Vernier.

J'insisterai sur deux points précis de ces ordonnances, qui me semblent particulièrement importants et novateurs.

L'ordonnance sur l'évaluation environnementale complète le contenu de l'étude d'impact. En particulier, cela n'a pas encore été précisé, nous introduisons, dans cette analyse, l'incidence du projet sur le climat et sa vulnérabilité face au dérèglement climatique. Cela devrait nous conduire à évaluer certains grands projets d'infrastructures de transport au regard de leur impact en termes d'émissions supplémentaires de gaz à effet de serre.

L'étude d'impact se fait également plus précise sur la question de la biodiversité. Il faut désormais décrire les mesures envisagées pour respecter la séquence « éviter, réduire, compenser » et définir plus précisément – point important – le suivi des mesures compensatoires, ce qui constitue une avancée dans le sens de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et des préconisations de la commission d'enquête du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité.

Je ne peux être que satisfait de l'adoption définitive des deux amendements qui se fondaient sur les conclusions de cette commission d'enquête, présidée par Jean-François Longeot et dont j'ai été le rapporteur.

Je tiens aussi à souligner le caractère fructueux des échanges qu'on a eus avec nos collègues de l'Assemblée nationale sur ce point en commission mixte paritaire – n'est-ce pas, monsieur Fouché. Je crois qu'ils ont été sensibles à nos argumentaires, comme vous l'aviez été, monsieur le secrétaire d'État, en séance, ici au Sénat, même si, par la suite, on n'a pas senti un enthousiasme complet de l'État et qu'il a donc fallu rester mobilisé.

Le premier de ces amendements tend à revenir sur l'impact de ces projets sur l'agriculture, notamment sur ce point aujourd'hui essentiel de la consommation du foncier agricole, en n'oubliant donc pas d'analyser non seulement la consommation de foncier lié aux infrastructures, mais aussi l'impact en termes de mesures compensatoires. Il faut donc avoir une vision beaucoup plus globale de l'impact sur l'économie agricole.

L'autre amendement adopté définitivement rend donc systématique la réponse écrite du maître d'ouvrage sur l'avis de l'autorité environnementale pour éviter que les contestations naturalistes ne surviennent après l'enquête publique. Le fait que l'avis de l'autorité environnementale soit maintenant complété par cette réponse écrite du maître d'ouvrage à d'éventuelles objections doit permettre un débat plus approfondi et, donc, plus apaisé.

C'est un point important de nature à réduire les contestations, qui interviennent souvent, il faut le rappeler, après une enquête publique au cours de laquelle tous les sujets n'ont pas été abordés – je pense notamment aux arrêtés pris en application de la loi sur l'eau. Il s'agissait d'une conclusion importante de la commission d'enquête sénatoriale, et je suis donc évidemment très heureux que ce soit maintenant dans la loi.

Nous n'avons pas été suivis, monsieur le secrétaire d'État – mais je sais que c'était l'une de vos préoccupations – sur cette fameuse clause « filet » ou clause de rattrapage. La rédaction actuelle nous semble toujours fragile, car les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne précisent que tout projet impactant sérieusement l'environnement doit faire l'objet d'une évaluation environnementale. C'est un sujet sur lequel il faudra revenir.

Les ordonnances ne répondront pas à tout, mais les exigences de transparence, de dialogue, de contre-expertise d'approche globale des projets sont au cœur d'un débat public apaisé dont nous avons tous besoin aujourd'hui.

L'État et les maîtres d'ouvrage se sont souvent montrés frileux, méfiants sur ces débats en pensant que, finalement, plus ils donnaient d'informations, plus ils nourrissaient la contestation. Notre analyse est inverse : c'est la faiblesse du débat qui nourrit aussi les contestations.

Nous ne pouvons donc que souligner les avancées progressives qui sont intervenues ces dernières années et l'accord, assez consensuel, me semble-t-il, sur ce texte est donc un signal positif supplémentaire – si j'étais taquin, je parlerais même d'un deuxième signal positif – adressé par l'État et la représentation nationale pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux et, en premier lieu, de biodiversité dans les projets d'infrastructure.

Le groupe du RDSE votera donc les conclusions de la commission mixte paritaire.

Comme l'a également dit Nelly Tocqueville, nous avons devant nous tout un processus de simplification administrative ; il faudra alors être extrêmement vigilant à ne pas revenir en arrière eu égard à tout le travail qui a été mené pour un débat apaisé sur les enjeux environnementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur applaudit également.)

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