Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les rapporteurs,

Mes chers collègues,

Les dispositions de cette proposition de loi sont pour le moins disparates ! Nous avons bien compris l’activisme du gouvernement en cette période politiquement difficile et cet activisme ne s’embarrasse guère du strict respect du droit, use et abuse ici des cavaliers législatifs, une véritable cavalerie que nombre de mes collègues ont dénoncé avant moi. Finalement, nous sommes presque étonnés de ne pas trouver dans ce texte des dispositions sur la TVA sociale ou sur le projet d’une sorte de taxe Tobin, à visée non plus internationale mais seulement nationale. C’était, M. le Ministre, une belle occasion, je vous l’avoue, je suis donc un peu déçu que vous nous priviez de cette opportunité de débat dans l’hémicycle mais nous tablons sur votre frénésie législative pour y revenir rapidement.

Il y a néanmoins dans ce texte fourre-tout des indications de votre volonté politique sur le fond. D’autres l’ont aussi souligné mais, par exemple, les limitations apportées à la publication du bilan social et environnemental des entreprises est éclairant de vos objectifs politiques. Cette idée d’exonérer les filiales des grands groupes de ce rapport est assez significative de votre approche des enjeux du développement durable : un monde où de grands groupes pourraient dissimuler dans des filiales peu surveillées leur faible ambition, voire leurs atteintes aux droits sociaux et environnementaux, pendant donc que leurs maisons-mères brilleraient en société sur leurs réalisations exemplaires. A travers cet amendement de soutien à un green washing institutionnalisé, vous nous dépeignez un monde, votre monde, où une communication volontariste aurait constamment pour fonction de dissimuler la réalité de faits bien moins glorieux. Ce texte est finalement assez représentatif d’une époque, bientôt révolue nous l’espérons, où le dire et le faire auront été souvent en opposition, cette opposition étant érigée en système de gouvernement.

Enfin, pour revenir sur ce point précis de la RSE, faut-il encore souligner que cette séquence parlementaire aura été placée par votre gouvernement, M. Lefebvre, sous le signe du détricotage systématique des engagements du Grenelle de l’Environnement, sur le financier comme sur le réglementaire, mais comme le disait l’actuel Président de la République, l’environnement, ça suffit !

Second exemple, et je n’en prendrai pas d’autres, celui de l’article 72 bis, qui fait suite à un décret de janvier 2011, inscrivant dans la loi le relèvement de la norme maximale du poids total autorisé des véhicules sur nos routes, à 44 tonnes pour cinq essieux.

Cette disposition est évidemment d’abord un exemple-type de cavalier législatif, il est assez légitime de se demander ce que l’augmentation du tonnage des camions vient faire dans une proposition de loi dite de « simplification du droit ». Ensuite parce qu’elle constitue une aberration économique, au vu des implications de la circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux sur l’état des routes. Comme l’a très bien dit notre collègue rapporteur Martial Bourquin, le surcoût d'entretien des chaussées pourrait représenter entre 414 et 507 millions d'euros par an ! 500 millions, ce n’est pas tout à fait rien et ça ne se trouve pas sur le sabot d’un cheval, même mené par un cavalier législatif.

Ce décret du 17 janvier 2011 sur le 44 tonnes avait été adopté avant même la publication des rapports prévus par la loi Grenelle I. Dans ce décret, le gouvernement faisait valoir l’argument selon lequel, porter « la limite du poids total autorisé en charge des poids lourds de 40 à 44 tonnes, avec comme objectif d'améliorer la compétitivité du secteur des transports et de réduire le nombre des poids lourds utilisés pour le transport de marchandises pondéreuses, permettrait de réduire les émissions de CO2 », louable intention sur le papier mais bien loin des engagements du Grenelle, qui vise d’abord à soutenir les modes de transport alternatifs à la route ! Ici, au final, il s’agit encore et toujours de privilégier le transport routier au détriment du fret ferroviaire, fluvial et maritime. Chiffre marquant, la part du fret ferroviaire a été divisée par 2 en 10 ans en France alors que, dans la même période, elle doublait en Allemagne. Après les engagements nourris de ce même « volontarisme du dire » des Assises du Ferroviaire, sur le rééquilibrage dans les transports fret, cet article est totalement contradictoire avec ces récentes déclarations gouvernementales et une nouvelle atteinte à l’esprit du Grenelle, mais nous savons que cela fait longtemps que cet esprit n’anime plus votre gouvernement.

Sur la forme comme sur le fond, ce texte est donc indigne, le mot a été utilisé, d’un travail parlementaire sérieux.

Par conséquent, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les écologistes voteront cette question préalable car nous sommes convaincus que le Sénat ne devrait plus se retrouver réduit à discuter de ce type de textes.

Je vous remercie

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