Ronan Dantec est chef de file pour le groupe RDSE sur ce texte, il souligne "que sans une politique de meilleure répartition de l’emploi, d’aménagement économique volontariste du territoire, alors les politiques de mobilités resteront en partie inefficientes, tentant de résoudre des problèmes dont elles ne sont pas à l’origine." Si le sénateur salue le changement de discours impulser par la Ministre via "cette priorité nécessaire donnée aux mobilités du quotidien" il regrette que ce projet de loi "ne nous permette pas de discuter de tous les aspects de mobilité, ayant un rôle-clef d’aménagement du territoire, comme la gouvernance portuaire ou les aéroports de proximité dont le rôle est précieux pour maintenir des entreprises dans des secteurs par ailleurs mal desservis". Ronan Dantec rappelle que ce texte reste trop timide sur le climat en particulier, sans mention de l'objectif sur le long terme de fin de vente des essences et diesel, il manque une perspective claire pour les constructeurs.

 

 

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion de la loi d'orientation des mobilités au Sénat est un moment important de notre calendrier parlementaire. L'ouverture des travaux législatifs ici au Sénat traduit la reconnaissance de l'importance de cet enjeu de la mobilité pour les territoires et les collectivités.

La précédente loi-cadre sur le sujet, la LOTI, date de 1982 – il y a plus de trente-cinq ans ! Nous parlions alors de « transports intérieurs ». En parlant aujourd'hui de mobilités, nous montrons que notre approche a changé. Nous parlons même, cela reviendra dans le débat, de « droit à la mobilité », et je voudrais tout d'abord m'arrêter sur ce terme.

Depuis 1982, nous avons beaucoup investi : en TGV, en autoroutes, en aéroports... Nous avons changé la France et ses dynamiques de développement, grâce en particulier au TGV, les métropoles se sont affirmées, nous sommes sortis de la logique du Paris et le désert français, le célèbre livre de Jean-François Gravier paru en 1947.

Mais, et il faut s'arrêter sur ce paradoxe, ce rééquilibrage permis par les infrastructures n'est pas ainsi perçu par tous nos concitoyens. Assèchement économique des territoires non métropolitains, étalement urbain et congestion des entrées de ville au petit matin, coût de la mobilité thermique disent une France en difficulté de mobilité, et la crise des « gilets jaunes » est dans toutes les têtes. Cette France à deux ou trois vitesses nous interpelle.

Aussi, il est essentiel de souligner en introduction que sans une politique de meilleure répartition des emplois, d'aménagement économique volontariste du territoire, alors les politiques de mobilité resteront en partie inefficientes, tentant de résoudre des problèmes dont elles ne sont pas à l'origine.

Vous connaissez la vigilance et l'engagement du groupe du RDSE en faveur de cette exigence d'aménagement du territoire.

En ce sens, nous regrettons que ce texte ne nous permette pas de discuter de tous les aspects de mobilité ayant un rôle clé d'aménagement du territoire, comme la gouvernance portuaire ou les aéroports de proximité, dont le rôle est précieux pour maintenir des entreprises dans des secteurs par ailleurs mal desservis – vous aurez noté que je peux même défendre des aéroports !

Cela étant dit, nous saluons, madame la ministre, le changement de discours que vous impulsez, cette priorité donnée aux mobilités du quotidien. C'est ainsi l'ouverture d'un nouveau cycle stratégique, qui doit participer de la cohésion nationale et, par ces financements, à la redistribution des richesses.

Sur le financement, justement, le texte n'est pas sans lacunes, et nous savons tous les centaines de millions d'euros qui manquent au budget de l'afitf. Nous avons déjà, en commission, sur proposition de notre rapporteur, tenté de sécuriser une partie de ces financements en les dégageant de recettes aléatoires, mais nous ne pouvons que regretter que l'application, qui mériterait d'être remise à plat du fameux article 40 – c'est une discussion entre nous –, nous prive d'importants débats sur d'autres recettes possibles, en particulier la participation des camions internationaux en transit, pour le financement des routes.

Plus largement, si nous soutenons évidemment la décentralisation des approches stratégiques, cela ne peut se faire sans un maintien d'une forte péréquation, d'une solidarité nationale forte, qui mériterait d'être mieux explicitée.

Ce texte veut donner aux territoires plus de responsabilités à travers la généralisation du rôle d'autorité organisatrice des mobilités. Nous ne pouvons que souscrire à cette approche décentralisatrice, au renforcement du couple région-intercommunalité.

Je ne peux que m'en féliciter, et le parallèle est évident avec la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, votée sous le précédent quinquennat, qui avait aussi renforcé ce même couple pour l'action climatique.

En tant que président du groupe de travail « gouvernance » du débat national sur la transition énergétique, nous avions justement porté cette même proposition du tandem région-intercommunalité. De ce fait, le rapprochement entre les plans Climat et les plans de mobilité est assez évident, et je remercie le rapporteur Didier Mandelli d'avoir accepté les amendements tendant à renforcer cette articulation.

Je crois d'ailleurs que nous sommes nombreux, sur ces travées, à le remercier, lui qui a fait preuve d'une grande ouverture pour intégrer au texte des amendements venant de tous les groupes. (M. Jean-François Husson applaudit.)

À propos de l'action contre le dérèglement climatique, ce texte reste encore très timide sur plusieurs points clés : les moyens de ramener le transport de fret vers le rail et la perspective d'interdiction de vente à l'horizon de 2040 des véhicules thermiques neufs.

Sur ce dernier point, le recul de l'État par rapport au plan Climat, puisque cet horizon est cité non plus dans la loi, mais simplement dans son préambule, ne peut que nous inquiéter. Cela ne donne pas aux constructeurs automobiles une perspective claire pour s'engager résolument dans cette mutation, ce qui détonne par rapport aux autres pays européens : cette fin de la commercialisation des véhicules thermiques est prévue pour 2030 au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas et en Irlande – et même en Inde –, pour 2040 au Royaume-Uni et en Espagne.

Notre industrie automobile doit être engagée résolument dans cette mutation pour ne pas être marginalisée demain. Elle a donc besoin de signaux très clairs de la part de l'État.

Cette réduction hautement nécessaire de nos émissions de gaz à effet de serre passe aussi par les nouvelles mobilités, même si elles ne répondent pas à tout : un bouchon de véhicules autonomes reste un bouchon, avec des véhicules à l'arrêt.

Aussi, nous devons rester volontaristes dans les signaux donnés aux modes de transport doux, notamment le vélo, en étant néanmoins conscients que leur développement et leur présence massive sur l'espace public appellent de nouvelles régulations.

Le Sénat a fait œuvre utile en développant quelques facilités pour les cyclistes dans les trains ou les parkings ; il serait dommage, madame la ministre, que le Gouvernement revienne en arrière sur certaines de ces modestes avancées.

Nous serons donc vigilants. Les deux semaines qui s'ouvrent doivent nous permettre d'améliorer encore ce texte, qui nous semble néanmoins aller dans le bon sens. Le groupe du RDSE devrait donc très largement le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

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