Ronan Dantec considère que "les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux, et pourtant, la fiscalité écologique ne cesse de croître pour atteindre 56 milliards d’euros en 2018 selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires...Entre l'orthodoxie budgétaire, boussole de Bercy, et les grands enjeux environnementaux où se joue la cohésion de nos sociétés dans les prochaines décennies, le Gouvernement a encore tranché : l'esprit boutiquier l'a emporté. Il aurait fallu répartir la recette de la taxation du carbone : le budget s'en porterait mieux. Mais les propositions pourtant consensuelles du Sénat ont été ignorées". Il a déposé deux amendements : un tendant à créer une trentaine de postes d'inspecteurs de sites classés, comme Lubrizol, pour leur permettre de consacrer le temps nécessaire au contrôle et augmenter les chances d’éviter de nouvelles catastrophes environnementales et un autre pour aider les gestionnaires des réserves naturelles nationales qui n'ont pas été adoptés. Le Sénat a rejeté les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

 

M. Ronan Dantec. La nécessité de répondre au défi climatique et à la perte de biodiversité est présente aujourd’hui dans absolument tous les discours, cris d’alarme ou promesses. Le Président de la République lui-même n’est pas avare de phrases fortes sur la nécessité pour notre génération d’agir à la hauteur des enjeux face à l’Histoire. Nous aurions donc aimé, madame la ministre, retrouver le même élan, le même signal, dans le budget de l’écologie. Malheureusement, nous devrons encore attendre.

D’après nos propres calculs, à périmètre constant, ce budget est en baisse de 214 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement. Les 800 millions d’euros supplémentaires annoncés sont liés principalement à la reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau et à un jeu d’écriture sur le bonus-malus automobile. En d’autres termes, entre l’orthodoxie budgétaire, boussole de Bercy, et les grands enjeux environnementaux, où se joue la cohésion de nos sociétés dans les prochaines décennies, le Gouvernement a encore tranché, quitte à ce que cet esprit boutiquier de court terme ne joue au final contre le budget de l’État lui-même.

Si on nous avait écoutés, par exemple, sur la nécessité d’un narratif différent sur l’augmentation de la contribution carbone-énergie, en jouant la répartition de cette recette dynamique entre les collectivités, les ménages modestes et l’État, votre budget s’en porterait bien mieux. Le refus des mesures que nous avons suggérées – avec Christine Lavarde et Jean-François Husson, nous avions émis des propositions collectives et consensuelles au Sénat – a in fine coûté beaucoup plus cher à l’État que s’il y avait répondu favorablement.

L’État n’a pas encore modifié son logiciel sur la fiscalité écologique.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Il n’est pas près de le faire !

M. Ronan Dantec. Pour lui, c’est une manière plus de boucler le budget que de financer la transition à la hauteur des besoins.

La fiscalité écologique, aujourd’hui, c’est 56 milliards d’euros de recettes pour l’État. Les dépenses favorables à l’environnement, c’est, selon l’Inspection générale des finances, environ 35 milliards d’euros. Je crois que les Français ne comprennent plus et n’acceptent plus une telle situation. Ils sont prêts à l’effort, mais à la condition d’un contrat clair sur l’affectation des recettes.

Je veux néanmoins me réjouir d’une décision : la réévaluation de la taxe sur les billets d’avion, dite taxe Chirac, en la rapprochant du prix du CO2 émis, comme nous l’avions déjà proposé dans un de nos amendements collectifs. Je regrette qu’il se trouve encore des voix sur quasiment toutes les travées pour combattre cette mesure de réelle justice sociale. Pour ceux qui n’avaient pas les moyens de prendre l’avion et qui devaient payer une taxe carbone parce qu’ils prenaient leur voiture pour effectuer le même trajet, la situation était ressentie comme un scandale.

M. Olivier Jacquin. Absolument !

M. Ronan Dantec. Ces résistances assez incompréhensibles illustrent tout de même les oppositions qu’il faut affronter quand on s’engage dans la transition. Je ne mésestime donc pas la difficulté permanente et quotidienne de votre tâche, madame la ministre. Quand on s’attaque aujourd’hui à cette aberration que sont les SUV, nous retrouvons à peu près les mêmes arguments de défense d’intérêts économiques de court terme.

Vous le savez, le principal problème est la continuelle baisse des effectifs du ministère. Pourtant, celui-ci est, par essence, le ministère de l’animation, ce qui nécessite des moyens humains importants.

Ainsi, pour les opérateurs, la baisse est extrêmement importante. Elle touche très durement des établissements pourtant cruciaux pour l’adaptation au dérèglement climatique, comme Météo France, qui perd 95 équivalents temps plein, ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cerema, qui en perd 101.

La même remarque vaut pour les inspecteurs des sites classés. Certes, leurs effectifs sont maintenus, mais seulement cette année, car la baisse a été importante les années précédentes. L’incendie de Lubrizol nous rappelle que l’État ne doit pas relâcher ses efforts en matière de contrôle. Les associations que nous avons auditionnées dans le cadre de la commission d’enquête avancent ainsi une baisse de 40 % des contrôles en douze ans. Nous proposerons donc un amendement visant à créer une trentaine de postes d’inspecteurs supplémentaires pour leur permettre d’y consacrer le temps nécessaire et augmenter ainsi les chances d’éviter de nouvelles catastrophes.

Bien que la protection de la nature et de la biodiversité soit aujourd’hui une grande cause nationale, avec notamment l’organisation à Marseille – cela a été souligné – du congrès mondial de l’UICN au mois de juin 2020, le programme 113 ne répond pas à notre activisme international. Par exemple, les moyens qui permettent aux réserves naturelles d’assurer leurs missions de connaissances, de gestion et de surveillance de nos espaces naturels n’ont pas été réévalués depuis 2012. Les effectifs baissent, et ils sont en grande difficulté.

Le plan Biodiversité a insufflé une dynamique d’extension de ces espaces, moyennant un engagement de créer à terme vingt réserves, dont une nouvelle cette année. Toutefois, les moyens humains ne suivent pas : on déshabille plutôt certaines réserves pour en permettre d’autres. Madame la ministre, je peux vraiment vous témoigner du désarroi sur le terrain des équipes professionnelles, qui considèrent ne plus avoir les moyens de leur action, pourtant centrale pour la biodiversité remarquable de notre pays. Je proposerai donc, là aussi, un amendement tendant à conforter leur capacité à répondre à cette mission tout à fait essentielle.

Vous l’aurez compris, nous aurions préféré relever un tournant budgétaire décisif dans la politique gouvernementale en faveur de l’écologie, du développement et des mobilités durables. Même si nous constatons quelques petites avancées – outre celles que j’ai pris soin de mentionner, nous pourrions évoquer le budget de l’Afitf ; là, nous avons été entendus –, elles ne compensent pas le retard que nous sommes en train d’accumuler dans la lutte pour la protection de notre environnement face à l’enjeu vital qui se dresse devant nous. Par conséquent, le groupe du RDSE s’abstiendra majoritairement ou votera contre ce projet de budget.

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