Vous trouverez ci-dessous l'intervention de Ronan Dantec, chef de file du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires lors de la discussion générale ouvrant les débats ce lundi 14 juin.

Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le président, madame la ministre,, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues,

Il y a deux mois, le vignoble français était frappé par le gel, avec destruction de la majorité des bourgeons. Mais si ce coup de froid, assez fréquent en avril, a été aussi catastrophique, c’est d’abord parce qu’il avait fait particulièrement chaud au mois de mars et que les bourgeons étaient anormalement avancés. De plus, si le vignoble est aujourd'hui aussi économiquement fragilisé, notamment dans mon département de Loire-Atlantique, c’est aussi du fait de la sécheresse de l’été dernier qui, dans les trois dernières semaines avant les vendanges, avait déjà durement affecté et desséché les grains. Cet exemple concret, parmi tant d’autres, témoigne de l’impact réel du réchauffement climatique. Il n’y a plus débat sur le fait, établi par consensus scientifique, de la responsabilité humaine dans cette situation : nous avons ainsi enregistré une augmentation des températures de 1,1° depuis les temps préindustriels et cette hausse s’accélère dans un monde qui n’a jamais autant brûlé de charbon ou de pétrole et donc émis autant de CO2 et autres gaz à effet de serre.

+ 1,1°, cela suffit pour menacer l’avenir de toute l’activité viticole française, au point de voir de grandes maisons de champagne acheter des terres en Écosse, mais c’est aussi, à l’échelle mondiale, une sécheresse terrible en Californie et des températures records enregistrées au Mexique ou en Iran.

Dira-t-on jamais assez, comme l’explique très bien Al Gore dans ses conférences, que dans les soubassements de la crise syrienne, il y a les sécheresses à répétition, qui ont chassé les paysans de leur terre et contribué à la déstabilisation du pays. La crise climatique rentre toujours en résonance avec d’autres crises et tensions, comme on le voit par exemple avec Boko Haram autour du lac Tchad. Et nous n’en sommes qu’à + 1,1°.

Si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions mondiales, de l’ordre de 50 % d’ici 2030, alors nous vivrons au 21e siècle, avec des températures de + 3 , + 4° qui apparaissent totalement incompatibles avec l’autonomie alimentaire mondiale, le maintien de centaines de millions d’habitants de cette planète sur leurs territoires ancestraux. Ce n’est pas être catastrophique, mais lucide de rappeler, que sans une réponse résolue et rapide de la communauté mondiale, notre monde sera demain, du fait du réchauffement climatique, en situation d’affrontements multiples, pour ne pas dire généralisés.

Face à ce risque connu et admis, comme l’a encore réaffirmé le G7 ce week-end, il faut donc une réponse mondiale, elle est coordonnée aujourd'hui dans le complexe et fragile accord de Paris, qui fut un vrai succès de la diplomatie française.

L’accord de Paris repose sur un principe simple, chacun doit faire sa part et à la suite de l’échec de la négociation de Copenhague en 2009, j’y étais, chacun s’engage à atteindre l’objectif qu’il s’est volontairement lui-même fixé. Les États se revoient tous les 5 ans pour vérifier qu’ils ont atteint l’objectif précédent et proposer des engagements plus ambitieux. Ainsi par cycle de 5 ans, nous avançons vers l’objectif que s’est fixé le monde à Paris en 2015, stabiliser l’augmentation sous les 2°, au plus près de 1,5°.

Nous sommes donc réunis au Sénat pour répondre à cette question finalement très simple : la France s’organise-t-elle pour décliner et crédibiliser le nouvel objectif européen de -55% qui sera présenté à la COP 26 à Glasgow et qu’elle a soutenu dans les sommets européens ?

Et c’est là que le bât blesse... la réponse est non. Les différentes estimations qui ont été faites sur ce projet de loi, notamment par le Haut Conseil pour le climat, montrent que les mesures que vous proposez ne nous permettront d’atteindre que -30, -35% de réduction de gaz à effet de serre en 2030, bien loin de l’objectif européen.

Nous avons donc 15 jours pour changer en profondeur ce projet de loi et montrer au monde que la France est toujours un pays moteur de l’accord de Paris. Le groupe écologiste a tracé la voie avec sa Vraie loi climat déclinée en propositions toutes quantifiées pour montrer que la France peut réussir à réduire ses émissions de - 55 % en 2030, par des mesures finalement assez simples d’obligation de rénovation thermique, de sortie accélérée de la mobilité thermique fossile, de réduction drastique de l’utilisation d’engrais azotés et d’augmentation de nos puits de carbone, en lien avec la reconquête de la biodiversité. Surtout, nous défendons une vision de cet effort collectif, qui en fasse aussi un outil de solidarité et de redistribution. C’est la clef de la nécessaire adhésion collective à cette transition. Nos deux semaines de débat seront l'occasion de discuter de ces mesures ambitieuses mais en rien inaccessibles.

Nous nous sommes évidemment inspirés de la Convention citoyenne pour le climat, ces 150 citoyens tirés au sort, que votre gouvernement avait mandaté pour définir des mesures, trouver des consensus ou points d’équilibre de la société française, et permettre d’atteindre, c’était l'objectif de l’époque, - 40 % en 2030. Ce processus démocratique novateur avait suscité beaucoup d’intérêt, et aussi quelques craintes au Sénat, nous venons de le réentendre. Malheureusement, vous n'en avez pas tenu la promesse, une forme de parjure, disons le mot, par rapport à l’engagement du président de la République de reprendre “sans filtre” les propositions de ce travail inédit. Il en reste donc un affaiblissement dangereux de la parole politique et le sentiment que la France renâcle devant l’effort à accomplir pour assumer sa part de la responsabilité mondiale.

Nous avons donc 15 jours, je le redis, pour montrer notre sens des responsabilités, montrer aux grands émetteurs mondiaux que la France fait sa part et que nous sommes de ce fait en droit de réclamer, notamment dans le cadre d’échanges économiques mondiaux régulés, qu’ils assument aussi leur part de l’effort. C’est tout l’enjeu de ce texte. Le groupe écologiste sera totalement mobilisé pour que sorte du Sénat, un projet de loi enfin à la hauteur de l’enjeu, qui est tout simplement l’avenir même de l’humanité.

 

 

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