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Après l’annonce de la démission de Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire, le 28 août, Ronan Dantec, sénateur (EELV) de la Loire-Atlantique et conseiller municipal de Nantes, appelle le gouvernement à redéfinir son action avec les collectivités territoriales.

Article de Olivier Schneid, publié dans La Gazette des Communes et consultable en ligne ici.

Comment décryptez-vous le départ de Nicolas Hulot du gouvernement ?

Les dernières discussions que j’ai eues avec le ministre et son équipe, au début de l’été, portaient sur le financement de la transition écologique. Il voulait, comme nous, les collectivités, qu’une part de la recette de la contribution climat énergie (CCE) soit affectée aux territoires et à la solidarité. C’était un point clé de sa feuille de route, l’une de ses priorités. Le gouvernement ayant du mal à boucler son budget, j’ai tendance à penser qu’il était conscient d’avoir perdu cet arbitrage. Et que cela a été, avec le nucléaire, un élément de sa décision finale.

Vous n’aviez, vous-même, plus d’espoir d’obtenir satisfaction sur le fléchage d’une partie de cette CCE vers les territoires ?

Les associations de collectivités (AMF, France Urbaine, Régions de France, ADCF...), des réseaux spécialisés et des ONG ont, en juillet, réitéré au gouvernement leur demande que cette fiscalité écologique alimente une dotation climat destinée aux territoires engagés dans un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et un schéma régional. Depuis, on n’a pas avancé. On n’a même pas obtenu la constitution d’un groupe de travail sur le sujet. Et on n’a même plus de ministre... Le problème de ce gouvernement est son refus d’accompagner financièrement les territoires, alors que c’est à ce niveau-là que se jouera la transition énergétique.

Il s’en défend, en vantant, par exemple, le dispositif des contrats de transition écologique (CTE) mis en place cette année...

Seuls huit territoires sont, à ce jour, concernés, et les contours sont flous. Alors qu’il faudrait un cadre applicable à l’ensemble du pays, un dispositif unique proposé à un millier de territoires, mettant en cohérence l’ensemble des politiques publiques. Le CTE est un dispositif intéressant pour des zones soumises à des mutations lourdes, comme Fessenheim (Haut-Rhin), Cordemais (Loire-Atlantique) ou Gardanne (Bouches-du-Rhône).

Mais il n’est pas une avancée. La suite logique des territoires à énergie positive pour la croissance verte instaurés par le précédent exécutif, qui n’étaient déjà pas à la hauteur de l’enjeu climatique, c’était l’accompagnement généralisé des PCAET. Car, quand de grandes agglomérations comme Paris, Nantes ou Grenoble possèdent l’ingénierie pour les mettre en œuvre, nombre de petites intercommunalités n’y arrivent pas. Elles ont alors besoin d’un soutien financier fort de l’Etat.

Interrogé par « La Gazette » en janvier sur la demande des collectivités de bénéficier d’une part de la CCE, le secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Sébastien Lecornu, avait lâché cette phrase : « Le climat ne doit pas être simplement un prétexte pour essayer d’augmenter sa dotation globale de fonctionnement [DGF]. » Comment l’interprétez-vous ?

Ce gouvernement réduit les dotations aux collectivités. Le ministre est, dès lors, en service commandé pour ne pas ouvrir les cordons de la bourse face à des territoires qui lui demandent un accompagnement dans la transition énergétique et climatique. Nous proposons une contractualisation avec l’Etat, portant sur des objectifs précis et vérifiables, pas de l’argent mis au pot de manière aveugle. Nous soupçonner de vouloir augmenter notre DGF sans contrôle grâce au produit de la CCE serait de la mauvaise foi...

Cet exécutif doit comprendre que, sans la mobilisation de tous les territoires, la France ne baissera pas ses émissions de gaz à effet de serre. Il doit aussi expliquer aux ménages la finalité de la CCE et de son augmentation progressive importante : répondre aux enjeux climatiques et changer les modes de vie, avec des perspectives d’économies sur le logement, la mobilité... Sinon, elle leur deviendra insupportable et inacceptable.

La démission de Nicolas Hulot a conduit à se réinterroger sur la place d’un ministre de l’Ecologie dans un gouvernement et sur la création d’un portefeuille de vice – Premier ministre au développement durable... ce que proposait d’ailleurs son « Pacte écologique » de 2006. Soutenez-vous cette idée ?

Tout d’abord, un vice – Premier ministre n’est pas le chef du gouvernement. Il serait donc toujours à la merci d’arbitrages défavorables. Cela dit, ce n’est pas un problème de Meccano institutionnel, mais de prise de décision au sommet de l’Etat. Il suffirait que le président de la République dise à son Premier ministre : « Je veux qu’on atteigne nos objectifs en matière de climat, mettez les moyens, c’est une priorité financière, faites en sorte que Bercy arbitre dans le bon sens, et on demande à chaque ministre de trouver les dispositifs de politique publique les plus pertinents. » Il n’est donc pas nécessaire d’inventer un nouveau poste.

La loi de transition énergétique d’août 2015 a conçu un système cohérent, donnant aux régions et aux intercommunalités des compétences fortes pour réaliser la transition énergétique. On a juste besoin que l’argent pris dans les territoires par la CCE leur revienne. Ce n’est qu’un problème de flux financiers. Notre rôle est de monter de nouveau au créneau afin de convaincre ce gouvernement que, sans une vraie transition décentralisée – or, on observe actuellement un coup d’arrêt à la décentralisation -, il n’y arrivera pas. Hulot a perdu ses arbitrages. On verra dans la loi de finances pour 2019 si Emmanuel Macron a entendu son message de départ.