Sur l'accord France-Chine intervenu hier, selon Ronan Dantec, « c’est une déclaration qui va plutôt dans le bon sens mais n’est pas non plus révolutionnaire. A ce stade, ce n’est pas suffisant pour garantir l’accord sur les financements de 100 milliards d’euros qui permettra aux pays en développement, notamment africains, de signer. Ce n’est pas la déclaration du siècle. Il ne faut pas la survendre, il reste encore beaucoup de boulot »

COP21 : « La Chine évolue » et fait beaucoup « d’efforts », par François Vignal - Public SenatFrançois Vignal - Public Senat

Dans une déclaration commune, la France et la Chine souhaitent un accord pour la COP21. « Ça va dans le bon sens mais n’est pas non plus révolutionnaire » selon Ronan Dantec, sénateur EELV. « La Chine va sur le renouvelable à marche forcée alors que la France parle beaucoup et ne fait rien » pointe Greenpeace France.

Les présidents français et chinois, François Hollande et Xi Jinping, ont-ils conquis « la bravitude » ? L’expression rendue célèbre par Ségolène Royal, qui accompagne le chef d’Etat pour son voyage en Chine, est peut-être à propos. A un mois de l’ouverture de la COP21, à Paris, François Hollande et son homologue chinois sont tombés d’accord pour parvenir... « à un accord ambitieux et juridiquement contraignant » lors de la conférence climat. Les deux présidents ont tenu une déclaration commune de vingt-et-un points, ce lundi à Pékin (voir le texte de la déclaration).

« Un pas majeur » vers un accord, selon François Hollande

Ils souhaitent notamment que « l’accord de Paris comporte des dispositions permettant aux Parties de formuler, communiquer, mettre en œuvre et actualiser régulièrement leurs contributions déterminées au niveau national. (Ils) sont favorables à ce qu’une revue complète ait lieu tous les cinq ans sur les progrès accomplis ». Des points d’étape qui pourraient permettre d’avancer vers des réductions plus importantes de gaz à effet, alors que les contributions apportées par les Etats sont pour le moment insuffisantes pour limiter à 2 degrés la hausse des températures sur terre d’ici 2050, seuil au-delà duquel le mécanisme du réchauffement climatique deviendrait irréversible.

L’engagement de la Chine est loin d’être neutre. Elle est le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète, avec 25% des émissions. François Hollande y voit « un pas majeur » vers un accord à lors de la COP21, qui se tient du 30 novembre au 11 décembre. « Avec cette déclaration, nous avons posé les conditions qui nous permettent d'entrevoir un succès », a-t-il dit, ajoutant qu'« un accord est désormais possible ». « La Chine est indispensable pour que nous puissions trouver l’accord. (...) Il était tout à fait décisif que je puisse venir ici à Pékin pour affirmer avec le président chinois notre volonté qu’il y ait un accord à Paris. Un accord ambitieux, contraignant, qui puisse être vérifié » a expliqué François Hollande (voir la vidéo ci-dessus).

« Ce n’est pas la déclaration du siècle »

Le sénateur Europe Ecologie-Les Verts Ronan Dantec, est moins enthousiaste. « C’est une déclaration qui va plutôt dans le bon sens mais n’est pas non plus révolutionnaire. A ce stade, ce n’est pas suffisant pour garantir l’accord sur les financements de 100 milliards d’euros qui permettra au pays en développement, notamment africains, de signer. Ce n’est pas la déclaration du siècle. Il ne faut pas la survendre, il reste encore beaucoup de boulot » affirme le sénateur de Loire-Atlantique. Il insiste sur l’importance du financement, pierre angulaire de la COP21 selon lui : « Pour le moment, il y a environ 60 milliards d’euros qui sont mobilisés. Or il faut 100 milliards pour accompagner les pays du Sud dans leur propre réduction d’émission et l’adaptation de leur territoire car il y a déjà beaucoup de conséquences du changement climatique. Si on veut trouver le reste de l’argent, il faut que les Chinois augmentent leur contribution ». Ce que n’affirme pas la déclaration commune.

Mais Ronan Dantec se réjouit d’un « point important » sur la place des villes. « La France et la Chine soulignent le rôle essentiel des villes, régions, provinces et entreprises dans la lutte contre le changement climatique » affirme la déclaration commune. Porte-parole climat de la coalition Cités et gouvernements locaux (CGLU), Ronan Dantec avait co-présidé un sommet à Lyon, en juillet dernier, sur le rôle des collectivités dans la lutte contre le réchauffement. Le sénateur remarque aussi « la référence au marché carbone chinois » et « l’idée de transparence, ce qui veut dire que les acteurs extérieurs peuvent vérifier les données. Les Chinois avaient été prudents jusqu’ici sur ce point ». « Par contre, sur le mécanisme de révision à 5 ans, ce n’est pas très clair sur l’augmentation du niveau d’ambition » regrette le sénateur EELV. Il ajoute : « Il y a encore beaucoup de langue de bois climat ».
« Ce qui est important, c’est le contenu de l’accord, pas le fait qu’il y ait un accord »

Impressions mitigées aussi chez Greenpeace France. « Ce qui est important pour nous, c’est le contenu de l’accord à Paris, qui déterminera l’effort que feront les pays, plutôt que le fait qu’il y ait un accord ou pas » affirme Cyrille Cormier, chargé des questions énergie et climat pour l’ONG. « Il faut que les Etats s’engagent vers le développement des renouvelables pour atteindre 100% de renouvelables en 2050. Là on ne sait pas si la Chine est sur la voie d’un tel accord » ajoute-t-il.

Pour le Monsieur énergies de Greenpeace, « il ne faut pas faire de la question du financement un objet central. Le cœur de la négociation, ce sont les trajectoires pour réduire les émissions à effet de serre. On ne peut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il faut savoir quels sont les objectifs et besoins en renouvelables avant de se poser la question du financement ».
« En 2015, la Chine va installer l’équivalent de deux fois le parc solaire existant français »

Cyrille Cormier se réjouit cependant que « la Chine évolue », rappelant son engagement déjà affirmé avec les Etats-Unis. « La Chine est un des pays qui fait le plus d’efforts aujourd’hui. Elle développe annuellement bien plus d’énergies renouvelables que les autres pays. En 2015, elle va installer l’équivalent de deux fois le parc solaire existant français... Elle y va à marche forcée, très vite, alors que la France parle beaucoup et ne fait rien » pointe le responsable de Greenpeace. Un effort chinois à la hauteur de son niveau de pollution. Premier pollueur mondial, le pays est aujourd’hui le contributeur majeur au réchauffement climatique.

Cyrille Cormier explique ce revirement chinois par « la pollution atmosphérique très forte en Chine » et « l’intérêt économique qu’ils trouvent dans le développement des énergies renouvelables, qui dégagent des marges de manœuvres sur le plan industriel, de l’emploi. La Chine a compris que le renouvelable était son avenir, alors que la France lui tourne le dos et croit que le nucléaire est le sien. La filière ne crée pourtant plus d’emplois. Il y a moins de projets au niveau international, Areva s’est écroulé et a fait faillite ».
« Il y a toujours des billes qui sont gardées pour les dernières heures »

Si l’on veut voir le verre à moitié plein, on peut toujours souligner qu’« on est passé d’une trajectoire d’augmentation de la température de 4-5 degrés à 2,7 selon les contributions des pays », note Ronan Dantec, « mais c’est insuffisant ». Le diable se niche toujours dans les détails et la teneur précise de l’accord, qui dira si la COP21 est une réussite ou pas, n’est pas encore finalisée. « Il y a toujours des billes qui sont gardées pour les dernières heures, quand les Présidents seront là », croit le sénateur EELV, qui rappelle qu’« il faudra mettre les choses en musique ». « Il y aura un accord à Paris » avait affirmé François Hollande le 19 octobre dernier. Il avait ajouté : « Toute la question sera de savoir à quel niveau sera l’accord ».