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Lors de sa séance publique du mardi 23 mars 2021, le Sénat a débattu sur le thème : « Quelle politique d'aménagement du territoire ? ». Ce débat était l'occasion pour de rappeler l'importance de cette politique publique dont les conséquences ont un impact direct sur le quotidien des Français. Ronan Dantec a posé une question relative aux déserts médicaux à Joël Giraud, secrétaire d'État, auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité, pour dénoncer le manque d'égalité face aux soins en France et appeler à la régulation des installations de médecins.

M. Ronan Dantec . - Une étude publiée le mois dernier par l’association des maires ruraux de France (AMRF) montre que les écarts en matière d’accès aux médecins, généralistes ou spécialistes, s’aggravent au détriment du monde rural. Des régions entières enregistrent des baisses spectaculaires de leur densité globale en médecins généralistes, avec concentration des médecins restant sur les principaux centres urbains.

Cette situation a aussi des conséquences graves qui peuvent se résumer en un seul chiffre. L’espérance de vie en milieu rural pour un homme est aujourd’hui de 2.2 ans de moins que pour un habitant des villes. Bien sûr, les facteurs d’explications se croisent, mais il apparait aujourd’hui évident que le temps d’attente pour décrocher un rendez-vous ou l’éloignement géographique des médecins participent de cette évolution, qui s’aggrave chaque année.

Il n’y a donc plus d’égalité face aux soins dans notre pays, phénomène gravissime, car derrière, c’est aussi des entreprises qui ne s’installent pas, des familles qui préfèrent quitter un territoire où l’offre de soin est défaillante. Les déserts médicaux participent gravement au désaménagement du territoire.

C‘est l’aggravation de toutes les fractures territoriales, et la rancœur qui s’installe chez les citoyens face à ce qu’ils considèrent comme une démission du politique. Certes, le numerus clausus a été levé, mais le vieillissement des médecins se poursuit. Des zones pourtant proches des grandes villes, dans des régions attractives se trouvent en difficulté.

Même à Ancenis, à 40 kilomètres de Nantes, les élus assistent au départ de médecins généralistes. Monsieur le ministre, il n’y a plus de place pour les discours lénifiants et les demi-mesures.

Ma question est donc simple, en écho aux propositions des réseaux de collectivités, envisagez-vous de véritables mesures, non seulement incitatives, mais aussi contraignantes, pour mettre un terme à ce que nous devons bien appeler un scandale français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Hervé Maurey. - Très bien !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. - Huit des 181 mesures de l'Agenda rural relèvent de la politique de santé publique, et je travaille avec le ministre de la Santé sur la politique d'aménagement du territoire en la matière.

Des médecins salariés ainsi que 1 545 assistants médicaux ont été recrutés en zone rurale, mais vous comprendrez qu'en cette période de pandémie, l'ARS peine à les redéployer. Certains départements ont contribué en mettant en place des dispensaires avec des médecins salariés qui redeviendront libéraux à terme - nous vous proposerons de légiférer sur ce point.

Le déploiement d'internes en zone rurale se poursuit, avec des indemnités revalorisées à 900 euros et un forfait hébergement. Je crois beaucoup à cette mesure qui a fait ses preuves dans des territoires de montagne que je connais bien.

M. Ronan Dantec. - Encore des demi-mesures... Pourtant, les centres de santé perdent aussi des médecins et les projections montrent que le pire est devant nous ! Il n'y a pas d'autre solution que de réguler les installations, comme on le fait dans d'autres professions. (M. Hervé Maurey approuve.) Malheureusement, c'est un tabou français, et les lobbies s'activent... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)