18 mars 2025. « Zan 3 » : explication de vote de Ronan Dantec pour le groupe Ecologiste – Solidarité & territoires du Sénat

M. le président, M. le ministre, Mme et M. les rapporteurs,

Il y a des moments dans nos vies communes de législateur où nous avons le sentiment collectif d’avoir fait œuvre utile.

C’était par exemple le cas lors du vote à l’unanimité de la loi sur le narcotrafic, où, si nous n’étions pas d’accord sur tout, nous avions néanmoins la conviction de répondre ensemble à un défi véritable pour notre société, nécessitant l’intervention du législateur

C’était aussi le cas, autre exemple, sur la loi ZAN 2. Après le vote de la loi « climat et résilience », ZAN 1, il apparaissait en effet clairement que les dispositions prévues par cette première loi appelait à des correctifs : ainsi créer un compte spécial pour l’Etat, les PENE, pour que les grands projets ne pèsent pas sur les enveloppes des communes apparaissait presque comme une évidence ; proposer une enveloppe communale était un moyen pour rassurer les territoires qui se retrouvaient avec de trop faibles droits car ils avaient très peu artificialisés dans la décennie précédente. C’était donc une injustice à corriger.

Arrive ZAN 3, et j’aurai donc bien aimé vous dire que nous étions toujours dans le même état d’esprit d’autant plus que nous avons beaucoup travaillé en commission en amont. Malheureusement non ! Disons-le. ZAN 3 est une loi de posture, de surenchère de la droite sénatoriale, qui remet même en cause ZAN 2, alors que ce sont pourtant les mêmes animateurs et auteurs…

Mais que s’est-il donc passé ? : est-ce le fait de la dissolution et des changements de gouvernement qui ont changé la donne politique ? est-ce un effet secondaire de la course poursuite engagée entre candidats Républicains pour la prochaine présidentielle ? j’en resterai à ce stade à des questions ouvertes.

C’est une loi à contre-temps. A contre-temps d’abord des élus territoriaux. La plupart des régions ont aujourd’hui adopté ou sont sur le point d’adopter leur SRADDET, ayant intégré le moins 50%. C’est aussi le cas de régions de droite, les Hauts de France ou la Normandie par exemple. Deux régions seulement refusent d’appliquer le moins 50%. Les Pays de la Loire, dont la présidente est maintenant connue dans toute la France pour la brutalité de ses coupes budgétaires vis-à-vis du monde de la culture et de la solidarité, et surtout AURA, où l’ancien président Laurent Wauquiez était tout fier d’affirmer il y a quelques mois encore qu’il ne respecterait pas la loi. Vous nous proposez donc aujourd’hui une loi qui est une prime pour les mauvais élèves, pour ne dire les sauvageons !

Pourtant, Régions de France, Intercommunalités de France ou France Urbaine nous ont dit en auditions, et via des amendements, qu’il ne fallait pas revenir sur l’objectif de moins 50% à 10 ans, objectif aujourd’hui intégré par la majeure partie des territoires. La fédération des SCOT, pourtant présidée par un ancien séguiniste, a été très ferme lors de son audition sur son opposition à ce détricotage et l’incompréhension que susciterait ce retour en arrière auprès des élus locaux. Et nous avons, entendez-le, beaucoup de témoignages en ce sens, y compris d’élus de droite. Et que dire du monde paysan. Le patron de la FNSEA lui-même a pris sa plus belle plume pour nous demander de ne pas affaiblir cette loi de préservation des terres agricoles ; les Jeunes Agriculteurs ou la fédération des SAFER ont aussi plaidé dans le même sens. Peine perdue. Au risque donc de décevoir les élus locaux, de rester sourds à une des principales priorités du monde agricole, vous n’avez pas bougé de position. Le mandat de détricotage qui vous avait été donné est un mandat impératif !

Même le gouvernement s’y est cassé les dents. L’offre de compromis qu’a présenté François Rebsamen, de décaler de 3 ans – à 2034 – la borne de 50% ne vous a pas suffi. Il fallait en finir avec le ZAN, point. Je me permets juste de vous rappeler que, même si c’est conjoncturel, vous êtes membres de ce même gouvernement.

En fait, ce qui est incompréhensible, c’est pourquoi s’embêter à garder une loi ZAN 3 ? L’abrogation aurait été plus simple. Parce que plus personne ne croit que cette loi ZAN 3, dans sa mouture actuelle, permettra de limiter l’artificialisation des terres, toujours plus importante en France que dans la plupart des autres pays européens.

J’en prends deux exemples pour dire les contradictions et les aberrations de ZAN 3, après l’examen en séance.

Sur les PENE, vous avez proposé que l’Etat s’engage lui aussi sur une trajectoire de réduction de ses consommations d’espace. Très bien, pas de raison que l’Etat soit exonéré de l’effort collectif. Mais dans le même temps, vous avez voté une telle liste à la Prévert de trucs et de machins à rajouter aux PENE qu’on ne voit pas comment l’Etat va y arriver. Au détour d’un amendement, on y a même mis les lycées. Va falloir sacrément construire en hauteur !

Autre exemple des bizarreries de ZAN 3 : la garantie rurale bénéficie d’une deuxième décennie… ce qui nous mène quand même à 2044 et correspond au minimum à quelques milliers d’hectares de droits supplémentaires. Ainsi, je présume, pas d’objectif coercitif à 10 ans, des droits à artificialiser reconduits à 20 ans et, malgré tout, les auteurs nous assurent que l’objectif final de zéro artificialisation nette en 2050, ils le défendent mordicus. Non, sérieux ?

Avec la loi ZAN 3, c’est 20 000 hectares consommés par an jusque dans les années 2040 et puis, par miracle, le zéro quasiment du jour au lendemain. Personne n’y croit !

Il manque d’ailleurs dans la loi toute idée d’accompagnement financier des territoires, ce qui est pourtant une question fort importante. Il y avait bien un groupe de travail sur ce point essentiel, mais il n’a pas rendu de copie… C’est embêtant. On se demande s’il n’était pas plus facile de détricoter le ZAN que de défendre des réformes fiscales ambitieuses modulant enfin pour les collectivités des ressources trop liées à leur propre artificialisation, sans prime à la sobriété.

Nous avons néanmoins aujourd’hui espoir que cette loi ZAN 3, qui ne relève donc pas de la volonté d’amélioration de l’applicabilité de la loi, mais bien d’un refus idéologique de donner une véritable priorité à la sobriété foncière, et peut-être encore plus, une attaque très claire contre les compétences régionales en matière de planification. Nous espérons donc qu’elle soit très largement revue par l’Assemblée nationale, et que notamment l’objectif à 10 ans, qui est la vraie priorité, soit préservé.

Nous étions prêts au compromis et à une loi simplifiée. J’avais même proposé lors de ZAN 2 qu’on reste à un décompte ENAF plus simple à priori pour les élus locaux. C’est le cas ici mais de manière tellement embrouillée, avec des enveloppes urbaines au pluriel, qu’on y comprend finalement encore moins.

Mais ce n’était donc pas votre mandat, il fallait en finir avec le ZAN.

Il y a pourtant urgence. Les coûts des inondations en France aujourd’hui c’est 5 milliards, et nous savons tous l’impact de l’artificialisation sur le grand cycle de l’eau. Vous actez par cette loi que cet objectif de lutte contre les inondations est de fait un objectif secondaire.

Vous avez aussi fait de la souveraineté alimentaire un cheval de bataille, mais vous l’avez laissé ici à l’écurie.

Alors que nous savons, et c’est déjà le cas, qu’avec le réchauffement climatique les rendements vont baisser, il est impératif de préserver les terres agricoles. Par cette loi ZAN 3, vous dites aussi que cet objectif est secondaire.

Pour nous, en revanche, ils restent prioritaires. Et nous faisons aussi confiance aux élus locaux pour mettre en œuvre des lois ambitieuses.

Et donc nous voterons contre ZAN 3.

Partager l'article

Articles Similaires